La consommation d'alcool et de tabac pendant la grossesse a des effets négatifs permanents sur les enfants, tant sur les plans physique et cognitif, que psychosocial. «Ces problèmes pourraient être évités si l'on mettait en place des programmes de prévention qui ont été rigoureusement évalués», a indiqué Richard E. Tremblay, directeur du Centre d'excellence pour le développement des jeunes enfants (CEDJE), lors d'un colloque organisé par le CEDJE. Cet événement se tenait aujourd'hui au Centre des congrès d'Ottawa et réunissait les meilleurs experts internationaux en la matière.
Le tabac pendant la grossesse
Les études indiquent qu'au Canada, la moitié des femmes qui fument continuent à fumer lorsqu'elles sont enceintes. Au Canada, le quart des femmes enceintes fument pendant leur grossesse. Parmi celles-ci, 84 % fument tout au long de la grossesse et 35 % rapportent avoir fumé 10 cigarettes et plus par jour, selon les données de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ).
Or, le tabac a des conséquences graves sur le développement de l'enfant parce qu'il s'attaque au système nerveux central. «On a découvert de fortes associations entre la consommation de tabac pendant la grossesse et les problèmes de comportement chez l'enfant, révèle David Fergusson, de l'Université Christchurch en Nouvelle-Zélande. On observe notamment des problèmes d'hyperactivité et de délinquance juvénile.»
Les enfants exposés à la fumée du tabac in utero sont plus agressifs, plus impulsifs, plus hyperactifs, plus inattentifs, et plus oppositionnels que les autres. Sur le plan cognitif, on remarque que les enfants exposés au tabac in utero ont une performance plus faible que les autres lors de tests cognitifs: capacités d'orientation auditive et de réponse aux stimuli auditifs, problèmes de développement du langage et QI verbal moins élevé.
Les autres problèmes reliés à la consommation de tabac pendant la grossesse sont les risques plus élevés de fausses couches, un petit poids à la naissance, un statut périnatal compromis qui nécessite des soins médicaux intensifs et des taux plus élevés du syndrome de la mort subite du nourrisson.
Richard Tremblay et David Fergusson déplorent que les campagnes de prévention de la consommation de tabac aient tendance à cibler surtout les adolescents. En effet, on sait que c'est la catégorie d'âge la moins réceptive aux messages de prévention. Ces chercheurs reconnaissent que les politiciens sont souvent soumis à la pression de la population. Selon un récent sondage pan-canadien effectué par Léger Marketing, 59 % des répondants pensent que tout investissement supplémentaire dans les programmes gouvernementaux de prévention ciblant le tabagisme et la consommation d'alcool devrait être accordé en priorité aux adolescents âgés entre 12 et 17 ans.
David Fergusson souligne: «Les jeunes commencent souvent à fumer entre 8 et 10 ans, il faudrait donc cibler les 5-12 ans». Richard Tremblay ajoute: «La majorité des femmes deviennent enceintes entre 25 et 35 ans, il faut cibler les femmes qui se préparent à avoir des enfants.»
L'alcool pendant la grossesse
Selon l'ELNEJ, près de deux femmes enceintes sur dix (17 %) consomment de l'alcool pendant la grossesse. Environ une femme enceinte sur 100 consomme de l'alcool au moins une fois par semaine. «On estime qu'un enfant sur 1000 souffre du syndrome d'alcoolisme fœtal (SAF)», déclare Claire Coles, du Marcus Institute à Atlanta.
Le SAF est la première cause connue de déficience intellectuelle dans le monde occidental. Les conséquences sont dramatiques pour ces enfants qui présentent de graves déficits sociaux et cognitifs permanents. Les enfants atteints de SAF peuvent accuser des retards de croissance, présenter des malformations faciales, des déficiences intellectuelles, ainsi que des problèmes sociaux et de comportement.
Les recherches indiquent que les enfants qui subissent des effets moindres souffrent également de déficits du fonctionnement social et cognitif, soit d'hyperactivité, de déficit de l'attention, de problèmes d'apprentissage et de mémoire et de problèmes socio-émotifs. On observe aussi chez ces enfants des difficultés à modifier un comportement en fonction des signaux fournis par l'environnement ainsi que des déficits de la fonction exécutive, c'est-à-dire des difficultés à organiser l'information conservée en mémoire de façon à planifier une action, ce qui se traduit par un manque d'attention et de concentration.
«Un des problèmes rencontrés par la communauté médicale est le manque de lignes directrices permettant un diagnostic fiable, ainsi que l'absence de normes de traitement du SAF et des troubles associés à la consommation d'alcool pendant la grossesse. En conséquence, bien des enfants affectés ne sont pas adéquatement traités. Le défi majeur auquel nous faisons face est de développer des standards de soins appropriés», déclare Claire Coles.
«Les problèmes reliés à la consommation d'alcool ou de tabac pendant la grossesse sont majeurs et peuvent être évités, conclut Richard Tremblay. Pour ce faire, on doit expérimenter des programmes de prévention et évaluer leurs effets.»
Le Centre d'excellence pour le développement des jeunes enfants est financé par Santé-Canada et par l'Université de Montréal. Son mandat est de favoriser la diffusion des connaissances scientifiques sur le développement social et émotif des jeunes enfants.