Est-il vrai que les personnes qui sont aveugles ont une meilleure oreille que les voyants? Oui, mais seulement s’ils ont été frappés de cécité à un très jeune âge. C’est ce que révèle une étude parue à la mi-juillet dans la prestigieuse revue
Nature, dont les deux premiers auteurs sont Frédéric Gougoux, étudiant au doctorat au Département de psychologie, et Franco Lepore, directeur du Centre de recherche en neuropsychologie et cognition (CERNEC) et principal investigateur de cette étude.
L’étude, menée conjointement par l’Université de Montréal et l’Université McGill, démontre que ceux qui ont perdu la vue en bas âge discernent mieux la gamme des différentes tonalités entendues rapidement les unes après les autres. Ils peuvent aussi distinguer correctement des notes d’une durée jusqu’à 10 fois plus courte que ne peuvent le faire les voyants.
Pascal Belin, co-auteur de l'étude, explique que le cerveau des jeunes aveugles a été en mesure de se réorganiser, de manière à pouvoir traiter d’autres informations sensorielles. Fait à noter cependant, cette réorganisation ne s’effectue pas de la même manière si une personne devient aveugle plus tard dans la vie. En effet, les chercheurs n’ont pas noté les mêmes différences entre le groupe de voyants et celui qui a perdu l’usage de la vue plus tard, soit entre cinq et 45 ans. Et si les études antérieures n’avaient pas réussi à démontrer de manière aussi limpide les habiletés auditives des non voyants, c’est justement parce qu’elles n’avaient pas pris en compte l’âge auquel les personnes ont perdu l’usage de la vue. Or, il est clair que la plasticité cérébrale est optimale à un très jeune âge.
L’étude s’est attardée à 12 voyants et 14 non voyants, recrutés grâce au concours de l'Institut Nazareth, de l'Institut Louis Braille, de la Montreal Association for the Blind et du Regroupement pour les Aveugles et Amblyopes de Montréal. Les non voyants ont été divisés en sous-groupes, ceux qui étaient aveugles de naissance ou ont perdu la vue avant l’âge de trois ans, et ceux qui sont devenus aveugles plus tard. L’âge des personnes ayant subi les tests musicaux variait de 21 à 46 ans. Ce qui fut déterminant, donc, ce ne fut pas le nombre d’années pendant lesquelles une personne a été privée de la vue, mais l’âge auquel elle fut privée de la vue.
«Le cerveau des jeunes aveugles dispose d’une grande faculté de réorganisation pour traiter d’autres informations sensorielles», note M. Belin, attaché au Centre de recherche en neuropsychologie et cognition du Département de psychologie. En fait, les personnes qui étaient devenues aveugles à un très jeune âge ont pu distinguer des différences de tons représentant un 128
e d’octave et identifier des tons d’une durée de un 50
e de secondes!