Depuis sa découverte scientifique au XVIII
e siècle jusqu'à sa reconfiguration récente par la physique atomique et son extension dans l'électronique et l'informatique, l'électricité a profondément changé notre monde. Par l'augmentation indéfinie de la vitesse qu'elle a entraînée, l’électricité a transformé nos façons de faire (la production, les déplacements, les échanges, la communication), notre rapport au monde (à la nature, à autrui, au savoir, au travail, au politique) et notre manière même de penser. L'électricité n'est donc pas seulement un fait scientifique, qui a donné lieu à un ensemble d'inventions techniques, elle est un véritable paradigme, autrement dit une dimension centrale de l'épistémè moderne.
D’emblée, l'électricité a été considérée comme une force universelle, une énergie invisible qui circule partout: dans les corps, des animaux et des êtres humains, dans la nature, dans le ciel et sur terre, au cœur de la matière elle-même, avec la foudre, le magnétisme, la gravité et l'attraction universelle. Maîtrisée, elle peut être stockée, transformée, communiquée, échangée. Elle est devenue un élément de base, à quoi tout peut se réduire, une unité de mesure, un code universel, en quoi tout peut se traduire, et même un principe explicatif global.
Objet d'étude, modèle théorique et support même des savoirs, l'électricité est essentiellement intermédiale : elle est située à la croisée de discours et de pratiques variées, entre les disciplines scientifiques et les arts, entre les médias et les technologies, entre le texte et l'image, entre la théorie et la pratique.
Le colloque se propose d'examiner les dimensions essentielles de cette « révolution électrique », les diverses conceptions de l'électricité, ses applications, ses effets – épistémologiques, esthétiques, sociaux et politiques –, et ses enjeux historiques et contemporains. Afin d’éviter les approches étroitement disciplinaires et encourager le dialogue entre les savoirs (histoire des sciences, sociologie, philosophie, études culturelles, littéraires et théâtrales, histoire de l'art, études cinématographiques, histoire de l'architecture et études urbaines, etc.) et les pratiques (les sciences et les arts), nous proposons d'ordonner les communications non selon les domaines d'objets et les méthodologies, mais selon une série de séances thématiques où pourront se rencontrer savoirs et objets dans leurs rapports pluriels :
1. La pensée électrique. Modèles et métaphores
- Histoire de l'électricité, les expériences historiques, les théories de l'électricité. Les effets épistémologiques de l'électricité.
- L'électricité comme langage universel et information. L'électricité comme modèle théorique ou comme métaphore, dans les sciences humaines et sociales en particulier, en psychanalyse et en sociologie.
- Le rôle de l'électricité dans la légitimation des nouvelles croyances, comme le magnétisme et le spiritisme.
- L'électricité comme signe de modernité dans le discours historique.
- L'impact de l'électricité sur les arts, sur la définition même des pratiques, sur les formes, les figures,
- Les récits, les genres, les effets esthétiques.
2. Le corps galvanisé. Interfaces entre la chair et la machine
- La dimension électrique du cerveau et du corps, de l'électricité animale de Galvani à l'"homme neuronal" d'aujourd'hui, en passant par l'hystérique de Charcot
- Les électrothérapies, du "bain électrique" aux électrochocs. L'électricité qui punit et tue, avec la chaise électrique. La réanimation par l'électricité.
- Le double électrique du corps humain, de l'automate à l'ordinateur en passant par le robot, dans la science-fiction et la recherche scientifique (cybernétique, robotique et intelligence artificielle).
- L'hybridation corps-machine en médecine, avec les prothèses électriques, dans la littérature et l'art contemporain, avec la figure du cyborg.
3. La ville électrifiée. Foyer, usine, transport
- L'impact de l'électricité sur la vie quotidienne. L'électricité dans les foyers, depuis l'ampoule électrique et le fer à repasser jusqu'aux "smart houses" en passant par le téléphone, la radio, la télévision et Internet.
- L'électricité, les genres et les classes sociales: la répartition sexuelle des tâches, l'électricité comme luxe, l'électricité pour tous.
- La transformation du travail et de l'industrie, l'impact de l'électricité sur l'automation, la cadence et la division du travail, sur le temps du travail.
- Les centrales électriques et la question de la production et la distribution de l'électricité.
- L'électrification des grandes villes et du territoire, de l'éclairage et des transports.
- La nouvelle structuration du temps et de l'expérience par l'électricité.
- La transformation de la géographie urbaine. La ville électrique dans la littérature, les arts visuels et au cinéma.
4. Électricité, pouvoir et démocratie. Les usages sociaux et politiques des télécommunications modernes
- La transformation des communications par l'électricité, depuis le télégraphe jusqu'à Internet. La question de la vitesse des échanges et l'invention de la simultanéité, du temps réel et du direct.
- Le rôle de l'électricité dans la constitution de l'espace public, dans la création des consensus et la discussion, dans l'établissement des liens sociaux, la construction des communautés et des nations, dans l'idéal cosmopolite du "village global".
- Les usages politiques de l'électricité: la propagande par le film, à la radio et à la télévision, la résistance sur Internet.
- Les applications militaires de l'électricité, la reconfiguration de la guerre par les télécommunications
- Le développement de la surveillance, avec l'écoute électronique et les caméras vidéo.
- Les usages artistiques des télécommunications, depuis les avant-gardes jusqu'à l'art en réseau.
5. Attractions. Le spectacle de l'électricité
- L'électricité comme divertissement, depuis les expériences de physique amusante dans les cabinets de curiosités, les salons ou la rue au XVIIIe siècle jusqu'à la télévision d'aujourd'hui, en passant par les expositions universelles, le cinématographe, le phonographe et l'éclairage électrique des monuments au XIXe siècle.
- Les représentations de l'électricité dans l'art et la littérature, depuis Villiers de l'Isle-Adam jusqu'à Auster, depuis les tempêtes sublimes jusqu'au cinéma de science-fiction contemporain.
- L'électricité comme matériau dans l'art moderne et contemporain. La transformation des pratiques artistiques par l'électricité, de leurs modes de production et de diffusion, de leurs publics.
Prière de nous faire parvenir un résumé de 150 mots maximum avant le 1er mars 2005 ainsi qu’une brève notice bio-bibliographique.
Pour toute information :
Anne Lardeux
Coordonnatrice des activités publiques
Tel. : (514) 343-7793
Fax : (514) 343-2393
Courriel : anne.lardeux@umontreal.ca
Site Internet du CRI : http://cri.histart.umontreal.ca
Centre de recherche sur l’intermédialité
Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques
Université de Montréal
Case postale 6128, succursale Centre-ville
Montréal, Qc
H3C 3J7, Canada