Montréal, le 17 octobre 2005 – Comme toutes les planètes et étoiles, le Soleil est en rotation. Cette propriété universelle est capitale, car elle engendre ― au sein de l’étoile ― de nombreuses instabilités hydrodynamiques qui s’ajoutent aux réactions nucléaires pour modifier sa composition chimique et influencer fortement sa destinée. Dans les étoiles dites de faible masse ― comme le Soleil ― qui tournent très vite à leur naissance pour être ensuite freinées, deux traceurs nous renseignent sur ces phénomènes : l’abondance de surface décroissante du lithium au fil du temps et la rotation quasi solide dans le coeur du Soleil mesurée par l’héliosismologie. La reproduction de ces données fondamentales a pendant longtemps constitué un véritable défi.
Une équipe, formée d’une physicienne de l’UdeM, Suzanne Talon, et d’une astronome de l’Observatoire de Genève, Corinne Charbonnel, vient de produire un modèle d’évolution stellaire capable d’expliquer simultanément la rotation solaire ainsi que la quantité de lithium dans les étoiles de faible masse. Ces travaux viennent d’être publiés dans la revue Science. L’ingrédient vital et nouveau dans ce modèle est le transport très efficace du moment cinétique (énergie de rotation) par les ondes internes de gravité qui sont générées par les enveloppes convectives stellaires. Ces ondes internes de gravité sont bien connues en géophysique et en météorologie. Par exemple, elles sont présentes à l’interface atmosphère-nuages, ou lorsqu’un vent est comprimé à la rencontre d’une montagne. Dans l’atmosphère terrestre, elles génèrent la «turbulence en air clair» redoutée par les pilotes d’avion. Elles jouent un rôle clé dans le renversement périodique des vents stratosphériques au-dessus de l’équateur, phénomène nommé oscillation quasi biennale.
En physique stellaire, les ondes internes sont étudiées depuis les années 1980 pour leur capacité à transporter les éléments chimiques et le moment cinétique. Très récemment, une étape théorique cruciale a été franchie grâce à la modélisation d’une propriété essentielle de ces ondes. À l’interface de la zone radiative (près du centre) et de la zone convective (près de la surface), elles créent une zone de turbulence ― similaire à l’oscillation quasi biennale atmosphérique ― qui oscille sur une échelle de temps de quelques années. Cette région agit comme un filtre qui sélectionne certaines ondes et permet de freiner efficacement le cœur de l’étoile.
La prise en compte de ce phénomène dans un modèle d’évolution stellaire en rotation permet d’expliquer simultanément la rotation solaire et le comportement du lithium dans le Soleil et les étoiles de faible masse. Cette prise en compte très prometteuse pourrait résoudre d’autres énigmes de l’évolution stellaire comme l’abondance en lithium dans les étoiles les plus vieilles de notre Galaxie ou la distribution des espèces atomiques dans les étoiles géantes qui rejettent dans l’Univers des éléments tels que le carbone, l’azote et l’oxygène.
Suzanne Talon
Téléphone : (514) 343-7077
Courriel : talon@astro.umontreal.ca
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