Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numéro 3 - 12 septembre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Le libre-échange provoquera une hausse du sida au Guatemala

Mira Johri a mis sur pied un programme pour diminuer la transmission mère-enfant du virus

Mira Johri

Le pacte de libre-échange entre les États-Unis et l’Amérique centrale pourrait avoir des effets catastrophiques sur les efforts visant à réduire le nombre croissant de cas de VIH et de sida au Guatemala.

C’est du moins l’opinion de la chercheuse Mira Johri, de l’UdeM, qui s’est rendue au Guatemala pour mettre sur pied un programme destiné à abaisser le nombre de femmes séropositives qui transmettent le virus à leurs nouveau-nés (la «transmission verticale»).

L’organisme humanitaire Médecins sans frontières (MSF) a sévèrement critiqué l’Accord de libre-échange États-Unis– Amérique (ALEEA), auquel le Guatemala a adhéré le 9 mars dernier. Cet accord aura une incidence négative sur la quantité de médicaments antiviraux accessibles à l’avenir. Ces médicaments, auxquels ont eu accès environ le quart des personnes aux prises avec la maladie, ont été distribués jusqu’à maintenant sous forme de génériques, des médicaments vendus à bas prix et non protégés par des brevets. Cette distribution est remise en question par l’Accord, qui contient des dispositions strictes en matière de protection des brevets pharmaceutiques.

Les critiques soutiennent que tous les progrès enregistrés dans le traitement des personnes vivant avec le VIH ou le sida seront effacés avec l’adoption de ALEEA par le Guatemala. Médecins sans frontières signale que cette entente va à l’encontre d’un accord international signé à Doha en 2001 afin d’alléger les obligations particulièrement contraignantes des pays en développement. Selon l’Organisation mondiale de la santé et ONUSIDA, 13 500 Guatémaltèques vivent avec le VIH ou le sida et doivent impérativement recevoir un traitement antirétroviral, mais seulement 3600 ont accès aux médicaments.

La différence entre le cout des médicaments génériques et celui des médicaments d’origine est considérable. La trithérapie en un seul comprimé administrée par MSF coute 216$US par personne par année alors que le système de sécurité sociale du Guatemala paie 4818$US la même combinaison de médicaments au fabricant GlaxoSmithKline. On trouve que la pilule est difficile à avaler. Le projet de Mira Johri, qui s’appuie sur la collaboration de médecins, de chercheurs et d’administrateurs de la santé du pays, consiste en la mise en place et en l’évaluation d’un programme pour diminuer la transmission mère-enfant du VIH d’au moins 30% sur une période de six mois. Les chercheurs se rendront rencontrer individuellement les femmes enceintes à Ciudad Guatemala. Toutes celles qui sont porteuses du virus recevront les médicaments antiviraux. «Si le Guatemala n’avait pas encore adopté un tel programme national de prévention de la transmission verticale, c’est que celui-ci est très couteux dans un contexte où les priorités en matière de santé sont nombreuses», fait remarquer la chercheuse rattachée au Département d’administration de la santé de la Faculté de médecine.

Le Guatemala a indiqué son intention de réduire de moitié le nombre de décès liés au sida d’ici 2008. Mira Johri et MSF soulignent que ce n’est surement pas en payant des médicaments à prix élevé que le pays réussira à atteindre cet objectif.

Philip Fine
Traduit de l’anglais
par Simon Hébert

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