Volume 40 - numéro 3 - 12 septembre 2005 |
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Profession: transplanteur pulmonaireLe Dr Pasquale Ferraro est le seul chirurgien à effectuer des greffes pulmonaires au Québec
Aussitôt qu’il ouvre l’œil, le Dr Pasquale Ferraro regarde par la fenêtre. Ce n’est pas pour voir s’il neige à plein ciel ou s’il fait un beau soleil. Les quelques minutes qu’il s’accorde pour admirer son jardin d’eau dans la cour arrière de sa maison lui procurent un grand bien-être. «C’est un instant de relaxation nécessaire avant de commencer la journée», confie le directeur chirurgical du programme de transplantation pulmonaire au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Les journées de ce professeur et médecin expert en chirurgie thoracique et en greffe pulmonaire ne sont pas de tout repos. Debout à l’aube, il se rend dès sept heures à l’hôpital Notre-Dame, où il travaille de 10 à 12 heures par jour, fréquemment davantage. «Les organes sont souvent prélevés en pleine nuit et les chirurgiens doivent pouvoir opérer à toute heure du jour», souligne le Dr Ferraro. C’est que les organes, particulièrement les poumons, sont très fragiles après le prélèvement. «Le temps est notre principal ennemi. Le délai idéal entre le prélèvement et la greffe d’un poumon n’est que de quatre à six heures. Au-delà, il y a des risques d’infections très graves», affirme le chirurgien, le seul transplanteur pulmonaire au Québec. Lorsque Forum a rencontré le Dr Ferraro, celui-ci avait réalisé la veille une greffe de poumon chez un homme de 47 ans. Quatre chirurgiens, trois infirmières, deux anesthésistes et un inhalothérapeute ont été mis à contribution. L’intervention a duré huit heures et s’est terminée au petit matin. «Le patient se porte maintenant très bien», annonce-t-il, visiblement ravi. Actuellement, le taux de survie après une année est de 85% alors qu’il chute à 60% après cinq ans. «La transplantation améliore la qualité de vie de ceux qui en bénéficient, signale le Dr Ferraro. Sans cette chirurgie, la grande majorité d’entre eux seraient cloués au lit.» Le «Gretzky» de la transplantation pulmonaireLe Dr Ferraro figure parmi les premiers transplanteurs pulmonaires à avoir reçu une formation dans cette discipline relativement récente. En effet, la première greffe de poumon a eu lieu en 1982. Après ses études à la Faculté de médecine de l’UdeM, il effectue coup sur coup une double spécialisation, l’une en chirurgie thoracique à la Clinique Mayo puis une autre en greffe pulmonaire à l’Université de Pittsburgh. C’est le Dr André Duranceau, professeur au Département de chirurgie, qui l’a incité à se perfectionner aux États-Unis. «Ses encouragements m’ont grandement motivé à m’investir dans le domaine de la transplantation», avoue le chirurgien. Il est rentré au Québec, il y a huit ans, pour prendre en charge l’équipe chirurgicale du programme de transplantation pulmonaire du CHUM. «Avant mon départ, j’avais promis de revenir à mon alma mater, mais le conflit au sujet du programme de greffes pulmonaires a failli brouiller mes plans.» À cette époque, il ne se doutait pas que sa décision de regagner le pays influerait sur le transfert à Montréal du programme qui connaissait des problèmes dans la Vieille Capitale. «Plusieurs m’ont dit: “Si tu retournes au CHUM, tu ne feras plus jamais de greffes”, raconte-t-il. Je me suis risqué.» Quelques mois plus tard, à court de chirurgiens aptes à réaliser les transplantations pulmonaires, l’Hôpital Laval de Sainte-Foy, en désespoir de cause, a transféré tous ses malades au CHUM. Depuis le retour au bercail, en 1997, du jeune «Gretzky» de la transplantation pulmonaire, le CHUM a presque triplé le nombre de greffes. «Bon an, mal an, on transplante de 25 à 30 poumons comparativement à 10 il y a une dizaine d’années», précise le Dr Ferraro. Mais alors que la population vieillit et que la demande tend à augmenter, les donneurs d’organes, eux, sont loin d’être légion. Pour que des organes soient prélevés, les donneurs doivent être en état de mort cérébrale, leurs fonctions vitales maintenues en activité grâce à un respirateur. L’âge du donneur, son état de santé, ses antécédents médicaux, la volonté de sa famille peuvent par la suite entrainer un refus de procéder. «La majorité des gens se disent en faveur du don d’organes, note le Dr Ferraro. Mais souvent les proches s’opposent au prélèvement des organes. Il y a encore place à la sensibilisation de la population.» Une bouffée d’air pour le QuébecLe chirurgien est une bouffée d’air pour le Québec, selon le Dr Charles Poirier, qui travaille avec le Dr Ferraro depuis près d’une dizaine d’années. Les deux hommes dirigent le programme de transplantation pulmonaire au CHUM. Ce programme, qui se situe au deuxième rang canadien, compte parmi les 15 plus importants en Amérique du Nord. L’équipe se compose d’une vingtaine de spécialistes multidisciplinaires, dont deux chirurgiens thoraciques, les Drs Jocelyne Martin et André Duranceau, et deux chirurgiens cardiaques, les Drs Nicholas Noisseaux et Louis Normandin. Afin d’assurer la survie et le développement de ce programme unique au Québec, les Drs Duranceau et Ferraro ont créé en juillet 2004 la Fondation pour la recherche en chirurgie thoracique de Montréal. Cette fondation s’est donné pour but d’élaborer de véritables moyens afin de soutenir la recherche, notamment en créant une chaire universitaire en chirurgie thoracique et transplantation pulmonaire. C’est par un partenariat avec le monde des affaires, l’industrie pharmaceutique, le CHUM et la Faculté de médecine de l’UdeM que le Dr Ferraro espère réussir à rassembler les fonds pour la création de cette chaire. «Vous en entendrez parler très prochainement», assure-t-il. Né à Montréal de parents immigrants italiens, Pasquale Ferraro accorde beaucoup d’importance aux valeurs familiales. Ses raisons pour faire carrière au Québec alors que de nombreux médecins d’ici ont bouclé leurs valises pour aller pratiquer à l’étranger, principalement en sol américain, sont d’ailleurs d’ordre personnel: présence de liens familiaux et qualité de la vie familiale. La possibilité d’une carrière universitaire et de chercheur a aussi fortement joué en faveur du CHUM, admet-il. Mais à 41 ans, même s’il n’est pas à la veille de prendre sa retraite, il aimerait passer davantage de temps avec sa femme et ses fils, Alexandre et Vincent, des jumeaux âgés de huit ans. Sa conjointe, une infirmière de formation qui travaille deux jours par semaine à l’hôpital Saint-Luc, joue un rôle actif dans l’éducation de leurs enfants. «Je ne regrette pas d’être revenu au pays, dit le Dr Ferraro. Mon plus grand regret est d’être le seul transplanteur pulmonaire du Québec!» Dominique Nancy |
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