Volume 40 - numÉro 5 - 26 septembre 2005 |
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«Nous pensons de façon postnationale»Bien que centré sur la société nationale, le Département de sociologie a toujours été branché sur les courants internationaux
«Le Département de sociologie (Faculté des arts et des sciences) de l’Université de Montréal est l’un des leaders mondiaux en recherche et en formation dans cette discipline. Il est vital de protéger ce trésor scientifique national et de soutenir ses efforts d’adaptation aux transformations sociales et scientifiques.» Ce sont les termes élogieux du rapport d’évaluation sur le Département de sociologie rédigé par un comité d’experts externes en 2003. Le directeur actuel du Département, Arnaud Sales, s’en félicite puisque son unité venait tout juste de connaitre, à la fin des années 90, des problèmes administratifs démobilisateurs. Le plan de redressement adopté permet aujourd’hui d’envisager une année faste en activités de toutes sortes pour célébrer le 50e anniversaire du Département (voir la programmation sur le site www.socio.umontreal.ca). C’est en effet en 1955 que cette unité a été créée par Norbert Lacoste. Mandaté par le diocèse de Montréal – l’UdeM ayant alors une charte canonique –, l’abbé a recruté les premiers professeurs tant sur la scène européenne que sur la scène canadienne. Dès le départ, le Département s’est donc distingué de celui de l’Université Laval, fondé par Georges-Henri Lévesque – le «père de la sociologie québécoise» –, par une ouverture sur l’international. Les pionniers«Norbert Lacoste s’est assuré d’avoir une diversité d’orientations théoriques tout en favorisant le domaine de l’engagement social et politique», relate le professeur Marcel Fournier. C’est ainsi qu’ont fait leur entrée à l’Université les Denis Szabo, Jacques Henripin, Jacques Dofny, Marcel Rioux et Guy Rocher, qui ont été et sont encore des figures dominantes de la sociologie québécoise. Cette première équipe de professeurs a laissé sa marque; Marcel Rioux et Jacques Dofny ont créé la revue politique Socialisme québécois en 1964; Jacques Dofny a lancé la revue savante Sociologie et société en 1969; Marcel Rioux récidive en 1976 en fondant, avec Gabriel Gagnon, la revue Possibles; Guy Rocher publie quant à lui, en 1965, Introduction à la sociologie générale qui, traduit en six langues, va vite devenir un classique de la sociologie. «Dans les années 60 et 70, le milieu social était en pleine effervescence et cette époque a constitué l’âge d’or de la sociologie, poursuit Marcel Fournier. La discipline était moins segmentée qu’à présent et les cours couvraient autant l’économie et la démographie que la criminologie. La sociologie a été en quelque sorte victime de son succès et la spécialisation a conduit à l’ouverture de départements distincts.» Les années 70 ont vu la mise en place des premières activités de recherche qui ont mené, dans les années 80, à la création de centres comme le Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la santé et de la prévention, établi par Marc Renaud, le Centre de recherche sur les politiques et le développement social et, plus récemment, le Centre d’études ethniques des universités montréalaises, mis sur pied par Danielle Juteau. Après une phase de recrutement qui visait des professeurs formés au Département même, l’embauche se fait aujourd’hui auprès de sociologues formés à l’étranger afin d’assurer l’apport de sang neuf et d’éviter la dérive génétique. Ceci assure du même coup l’ouverture sur le monde. Depuis sa fondation, le Département de sociologie a décerné 2500 diplômes de premier cycle, 460 de maitrise et 160 de doctorat. Nouveaux contextes, nouveaux défisÀ l’Université de Montréal, la sociologie a pris racine dans l’analyse des mouvements sociaux québécois (syndicalisme, religion, urbanisme), une tradition qui se poursuit tout en intégrant les nouveaux enjeux que sont les inégalités sociales et économiques, la discrimination, la mondialisation, les relations ethniques, l’écologie, les statistiques sociales et même l’effet de la cybernétique sur les sciences humaines. «Le Département reste ancré dans la tradition de Marx, Durkheim et Weber, mais il n’est plus lié à un seul grand courant comme c’était le cas avec le marxisme dans les années 70, indique Arnaud Sales. Nous sommes moins centrés sur les grandes théories et plus orientés vers les problèmes pratiques. «La sociologie est de nos jours confrontée à de nouvelles forces sociales majeures comme la mondialisation économique, les migrations et le rôle des identités, ajoute le directeur. Dans les sociétés occidentales, on cherche toujours à tout changer et la nature des institutions sociales est moins importante que le processus de structuration.» Selon Arnaud Sales, nous sommes dans une dynamique de créativité permanente qui augmente sans cesse les savoirs et entraine des modifications constantes des modes de vie; ces transformations rapides et nombreuses ne sont pas sans causer d’importants traumas chez plusieurs. Il y a également rupture du rapport traditionnel entre le privé et le public, le privé se redéfinissant en dehors de la société. «On ne pense plus en fonction de la société d’appartenance: nous pensons de façon postnationale, affirme le sociologue. Les mouvements de pensée traversent les frontières et les États ne peuvent plus contrôler la circulation des idées.» Le savoir est devenu un élément central et les sociétés qui ont misé sur l’éducation et la recherche se sont du même coup donné les capacités d’engendrer le changement. Dans cette perspective, le savoir et la créativité lui apparaissent comme des éléments plus déterminants que la mondialisation puisque les entreprises doivent savoir innover pour survivre. Daniel Baril |
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