Volume 40 - numÉro 7 - 11 octobre 2005 |
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Éthique et génétique au menu de Bartha Maria KnoppersLa chercheuse reçoit 2 M$ pour étudier les banques de tissus humains
D’un bout à l’autre du monde industrialisé, des chercheurs créent des banques de tissus humains permettant l’approfondissement des connaissances scientifiques. Ainsi le Western Australian Genetic Health Project comprend de l’information sur deux millions d’individus; en Europe, GenomEUtwin utilise des données relatives à 600 000 personnes et, au Québec, Cartagène collecte de l’information sur 50 000 sujets. «La plupart de ces banques sont en cours d’élaboration et nous devons leur donner des outils pour qu’elles puissent respecter un certain nombre de balises éthiques et juridiques communes», explique Bartha Maria Knoppers, professeure à la Faculté de droit et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit et médecine. Avec des collègues de l’UdeM (Thérèse Leroux, professeure à la Faculté de droit, Hubert Doucet et Béatrice Godard, professeurs au Département de bioéthique, et Jean R. Joly, de la Faculté de médecine), Mme Knoppers a reçu un budget de près de deux millions de Génome Québec dans le but de financer le projet Génomique et santé publique. L’équipe entend proposer certaines balises éthiques afin que ces banques puissent servir au mieux-être de l’humanité et pas seulement promouvoir les intérêts des compagnies pharmaceutiques. «Le problème, c’est que certaines de ces banques n’ont pas été constituées pour des études en génomique. Cela signifie que les familles et les individus qui les ont rendu possibles n’ont pas nécessairement consenti aux nouveaux usages que les chercheurs en génétique entendent faire», relève-t-elle. Le Canada, où le système de santé public assure la gratuité des services, est bien placé pour mettre en relief les défis et enjeux de la recherche en génomique, indiquent les collaborateurs de Génomique et santé publique dans le résumé de leur projet: «Comment maintenir l’équilibre entre l’intérêt potentiel des populations à risque de souffrir de maladies infectieuses et la confidentialité de ces bases de données? Est-ce que ces bases de données peuvent être utilisées dans l’intérêt public et le bien commun?» InquiétudesLes huit grandes bases de données ciblées (Center for Integrated Genomic Medical Research, en Grande-Bretagne; Danubian Biobank Foundation, en Europe centrale; Estonian Genome Project, en Estonie; Kora-Gen, en Allemagne; et LifeGene, en Suède, en plus de celles citées précédemment) doivent servir la santé publique dans son ensemble, poursuit Mme Knoppers. Mais des problèmes légaux se posent constamment. Par exemple, si des milliers d’échantillons sanguins recueillis pour une recherche fondamentale révélaient la forte incidence d’une maladie infectieuse comme, disons, le virus du Nil, les chercheurs n’auraient pas le droit de communiquer avec les sujets infectés pour les informer de leur maladie. «Le Code civil du Québec précise que les sujets de recherche ne peuvent être transformés en patients sans leur consentement», signale Mme Knoppers. De telles situations risquent de se multiplier avec l’apparition de ces banques d’échantillons humains. Dans certains cas, on pourrait avoir affaire à des maladies très graves, dont la composante génétique est majeure. Revoir le processus de consentement apparait donc comme une nécessité aux yeux de la juriste. Mais c’est loin d’être la seule préoccupation des éthiciens. Comment établit-on l’équilibre entre les intérêts propres aux populations à risque et la protection des renseignements personnels? «En principe, les gens qui participent aux études en génomique ne devraient pas s’attendre à en récolter eux-mêmes les bienfaits. Ils le font pour le bien commun, pour les générations futures. Mais en sont-ils toujours conscients?» La génétique moderne – soutenue par la génomique, la protéomique et la bio-informatique – peut contribuer scientifiquement à l’amélioration de la santé publique, croit le groupe de recherche. Mais les lois, qui favorisent la protection de la vie privée et la confidentialité des dossiers médicaux, limitent les études sur les populations. La situation est d’autant plus complexe que les systèmes juridiques varient beaucoup d’un pays à l’autre. Sans parler des mentalités. Trois ansAu cours des trois prochaines années, l’équipe de Génomique et santé publique se réunira au moins six fois par année afin de faire le point sur l’avancement des travaux. En plus de cette question des bases de données, dont s’occupera personnellement la juriste d’origine néerlandaise, chaque chercheur a la responsabilité d’un volet de l’étude: Béatrice Godard traitera de la perception des professionnels et des décideurs politiques, Hubert Doucet se chargera de la participation citoyenne et les professeurs Joly et Leroux se pencheront plus particulièrement sur la génomique en santé publique. Ce projet permettra la publication d’un bon nombre d’articles scientifiques sur cette question d’intérêt public. De plus, un congrès scientifique est prévu pour le printemps prochain à Montréal. On y attend plus de 300 chercheurs de partout dans le monde. Mais le financement de Génome Québec permettra surtout l’embauche de plusieurs attachés de recherche, pour la plupart des étudiants à la maitrise et au doctorat. Mathieu-Robert Sauvé |
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