Volume 40 - numÉro 7 - 11 octobre 2005 |
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Un réseau pour comprendre la paixLe professeur invité Jocelyn Coulon vient de créer le Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix.
Dans les médias, on définit parfois la paix comme un non-évènement, c’est-à-dire une situation sans matière à nouvelle. Une définition que rejetterait sans doute Jocelyn Coulon, qui vient de créer le Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix. Aux yeux du professeur invité au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM), la paix, ou plutôt les opérations militaires destinées à la maintenir, représente un vaste champ de réflexion pouvant porter sur la diplomatie préventive, l’action des organisations internationales ou régionales dans la résolution des conflits, le rôle des milices dites irrégulières, le sort des enfants soldats, le droit international, le droit d’ingérence ou encore l’imposition de la paix. Combler un vide en milieu francophoneSon expérience de directeur du bureau montréalais du Centre Lester B. Pearson pour le maintien de la paix a amené Jocelyn Coulon à constater qu’il n’existait, en milieu francophone, aucun lieu d’échange, de rencontre et de mise en commun des analyses sur les opérations de paix et qu’un tel lieu était une nécessité. «Depuis la création de la première force d’interposition il y a 50 ans, les opérations de paix se sont multipliées et l’on compte aujourd’hui une dizaine de coalitions ou d’organismes internationaux qui poursuivent de telles opérations, souligne le politologue. Du côté anglophone, les diplomates, professeurs, journalistes, intervenants d’ONG sont très bien organisés et disposent de nombreux centres et publications spécialisés sur ces opérations alors que du côté francophone il n’y a presque rien.» C’est donc pour combler ce vide que le réseau qu’il dirige a été créé avec le soutien du CERIUM. Le besoin d’un tel espace francophone est d’autant plus grand que 55 % des contingents de la paix sont déployés dans quatre pays francophones, soit le Congo, le Burundi, Haïti et la Côte-d’Ivoire. L’ONU a même lancé un appel pour attirer ou former plus d’experts francophones spécialistes de ces questions, tandis que l’Organisation internationale de la Francophonie entend jouer un rôle plus marqué dans la prévention et la résolution des conflits à l’échelle internationale. En Occident, ajoute le professeur Coulon, les conflits sont toujours expliqués et commentés par des experts occidentaux et rarement par des experts des pays concernés. C’est une autre lacune que veut corriger le Réseau et à laquelle Jocelyn Coulon a déjà commencé à remédier avec l’édition du Guide du maintien de la paix; publié chaque année par le Centre d’études des politiques étrangères et de sécurité (CEPES) depuis quatre ans, cet ouvrage donne la parole à des analystes locaux et diffuse leurs travaux dans la francophonie. Imposer la paixSi les opérations de paix ont augmenté – on en compte actuellement 29 sur l’ensemble de la planète, dont 16 sous l’égide de l’ONU et 13 relevant d’autres organisations comme l’OTAN, la Communauté des États indépendants, l’Union africaine ou encore l’Union européenne –, les contextes d’intervention se sont également complexifiés et nécessitent des analyses rigoureuses. «Jusqu’aux années 90, les opérations de maintien de la paix, comme on les appelait, ne recouraient pas à la force pour imposer la paix; il fallait qu’il y ait déjà cessation des combats et que les parties acceptent l’intervention internationale, relate Jocelyn Coulon. Mais depuis, les forces internationales interviennent sans qu’il y ait la paix et parfois sans le consentement des parties en cause.» Cette nouvelle réalité découle entre autres de la disparition du bloc soviétique et d’un souci plus grand de protéger les populations vulnérables victimes de conflits internes dans un État. C’est ainsi qu’on parle maintenant d’«imposition de la paix». Pour Jocelyn Coulon, de telles interventions chapeautées par les Nations unies étaient notamment justifiées dans le cas de l’Irak, qui s’est vu imposer une zone de non-intervention après la guerre du Koweït pour protéger les populations kurdes. L’intervention en Somalie au début des années 90 est pour lui un autre exemple de la pertinence des interventions justifiées par le droit d’ingérence. «L’opération fut un échec politique, mais une réussite sur le plan humain puisqu’elle a permis de venir en aide à un million de personnes», affirme le professeur. Ces missions y sont peut-être pour quelque chose dans la diminution du nombre de guerres depuis le milieu des années 90. Du moins, on aimerait croire qu’elles contribuent à l’établissement de la démocratie qui, elle, est un gage de paix. «Les opérations de paix se font maintenant avant, pendant et après un conflit, indique Marc-André Boivin, doctorant en relations internationales et coordonnateur du Réseau. Et l’un des faits les plus attestés en science politique est que les démocraties ne se font pas la guerre entre elles.» Le coordonnateur a entre autres responsabilités celle de la conception du site Internet du Réseau, qui devrait être en ligne pour l’inauguration prévue le 27 octobre. Les responsables planchent en outre sur la première activité d’envergure qui marquera, en 2006 et 2007, le 50e anniversaire de la création des Casques bleus, qui valut à l’ex-premier ministre Pearson le prix Nobel de la paix. Le réseau de recherche sur la paix compte déjà plusieurs personnalités en tant que membres d’honneur. Mentionnons Lakhdar Brahimi, secrétaire général adjoint de l’ONU; le général Roméo Dallaire, sénateur; le général Maurice Baril, ancien conseiller militaire de l’ONU; Bernard Miyet, ancien secrétaire général adjoint aux opérations de paix de l’ONU; et le général Jean Cot, ancien commandant de la FORPRONU en ex-Yougoslavie. Daniel Baril |
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