Volume 40 - numÉro 10 - 7 novembre 2005 |
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Pénurie d’étudiants en informatiqueLes inscriptions au baccalauréat spécialisé en informatique ont chuté dramatiquement de 2000 à 2005
Les inscriptions au baccalauréat spécialisé en informatique ont chuté dramatiquement de 2000 à 2005, passant de 125 à... 27. Dans l’ensemble des programmes de premier cycle, cet état de fait se répète: moins de 50 étudiants occupent les 180 places disponibles cet automne, selon le Registrariat. «La situation est grave. Il y a lieu de s’inquiéter», signale le directeur du Département d’informatique et de recherche opérationnelle (DIRO), Jean Meunier. L’ironie est d’autant plus cruelle que le DIRO inaugure cette année son programme coopératif, destiné à rapprocher la formation universitaire des besoins des entreprises privées. La responsable des stages, Sun-Hui Park, cherche parfois désespérément de nouveaux étudiants pour occuper les postes libres. «Actuellement, dit-elle, il y a plus d’offres que de demandes.» Florissantes dans la région de Montréal, particulièrement dans la Cité du multimédia, des entreprises comme CGI, Oracle, Ericsson, IBM, Discreet, Electronic Arts, Taarna, Ubisoft et Softimage commencent à constater la pénurie de main-d’œuvre dans un secteur où la relève était pourtant abondante jusqu’en 2000. «Si nous ne produisons pas davantage de spécialistes, ces entreprises pourraient devoir déménager», craint M. Meunier. Autre facteur de préoccupation, la désaffection des filles pour l’informatique. Alors que la discipline attirait jusqu’à 20 % d’étudiantes parmi les nouveaux inscrits en 2000, cette proportion est tombée autour de 8 % en 2005. Selon le directeur, les filles qui ont vu leur compagnon ou leur frère passer leurs soirées et leurs weekends la souris à la main, devant un écran cathodique, n’ont pas été très tentées par une carrière en informatique. «Nous avons beaucoup plus à offrir que les jeux vidéo, rappelle-t-il. Les femmes peuvent y trouver un motif de défi scientifique qui rejoint leurs préoccupations quant aux relations d’aide, en imagerie médicale ou en bio-informatique notamment.» Il faut changer la perception à l’égard de l’informatique, lance Jean Meunier. «L’ère de l’accro de l’informatique assis devant son clavier avec sa pizza et son Coke est révolue. L’informatique, c’est un secteur scientifique en plein essor où la matière grise est très sollicitée.» Temps difficilesPremier département universitaire d’informatique à avoir vu le jour au Québec (deuxième au Canada après celui de l’Université de Toronto), le DIRO fête ses 40 ans d’existence. Si Jean Meunier n’a pas peur d’affirmer haut et fort que les choses vont mal, c’est que le secteur en entier est touché. Il faut donc briser le mur du silence. «Si nous étions les seuls à connaitre une telle situation, nous aurions peut-être tendance à nous cacher. Mais ce sont toutes les universités qui sont concernées.» Les carrières en informatique paient le prix de l’appréciation négative du domaine, qui a connu de retentissants déboires en 2001-2002, avec la chute de Nortel et l’écrasement des sociétés point-coms, ces entreprises virtuelles disparues aussi vite qu’elles étaient apparues. «L’éclatement de la bulle technologique a jeté des centaines d’informaticiens à la rue, reconnait M. Meunier. Pendant quelques mois, des informaticiens fraichement diplômés se sont retrouvés au chômage. Mais ce phénomène a disparu depuis longtemps. Actuellement, c’est le plein emploi à Montréal. Même qu’on trouve 2,3 fois plus d’offres d’emploi en 2005 qu’en 2003, selon la revue spécialisée Jobboom.» Plusieurs organismes spécialisés dans les besoins en main-d’œuvre (Technocompétences et le Conseil des ressources humaines du logiciel, entre autres) établissent le même constat: l’informatique connaitra une croissance qui ne sera comparable à aucune autre en sciences ou en génie. «De plus, l’industrie exige une formation de pointe nécessitant au minimum un baccalauréat ou une maitrise», ajoute le directeur du DIRO. En Ontario, des représentants des départements d’informatique des universités York et de Toronto ont fait parvenir, le 3 octobre dernier, une lettre au ministre de l’Éducation pour lui faire part de leur inquiétude. Ils mentionnent que les inscriptions aux programmes de majeure ont baissé de 40 % au cours des dernières années. Ils citent une étude du Bureau of Labor Statistics, des États-Unis, qui fait état d’une augmentation de la demande d’ingénieurs en informatique de 46 % en 10 ans et d’analystes diplômés de 39 %. À l’heure actuelle, aucune offensive interuniversitaire n’est prévue au Québec, mais les directeurs de département sont en contact, assure M. Meunier. Bonnes nouvellesLes nouvelles ne sont pas mauvaises aux cycles supérieurs, au contraire. Alors que le nombre d’inscrits demeure stable au deuxième cycle, on note une hausse marquée des étudiants au doctorat. L’Université n’accueillait que cinq doctorants en 2000, elle en compte aujourd’hui quatre fois plus. Les nouvelles sont bonnes également en bio-informatique, où une trentaine d’étudiants suivent ce programme de premier cycle créé en 2000-2001 en collaboration avec le Département de biochimie. Jean Meunier rappelle que le secteur informatique n’en est pas à sa première fluctuation de clientèle. L’intérêt pour les carrières consacrées aux ordinateurs a connu une première flambée partout en Amérique du Nord dans les années 80. En 1983, près de 5% des nouveaux étudiants des universités choisissaient l’informatique, selon un recensement de l’Université de Californie à Los Angeles. Cet intérêt a fondu à 1,5% avant la fin de la décennie. Puis, il y a eu une remontée spectaculaire au tournant du millénaire. Jusqu’à 6,5% de tous les nouveaux inscrits avaient opté pour ce champ d’études. Ensuite la courbe montre une chute vertigineuse jusqu’en 2005. «Regardez la proportion de femmes, reprend M. Meunier, crayon à la main. Elles sont actuellement à moins de 0,5%. Quand on pense qu’elles constituent plus de 60% de tous les étudiants chez nous, il y a de quoi s’interroger.» Mathieu-Robert Sauvé |
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