Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 11 - 14 novembre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

L’écologiste de l’informatique est honoré

Pierre Legendre reçoit le prix Marie-Victorin

Pierre Legendre

Quand il était au collège, Pierre Legendre a dû choisir entre deux domaines qu’il adorait et où il excellait: les mathématiques et les sciences biologiques. Il a opté pour ces dernières, peut-être un peu pour suivre les traces de son père, Vianney Legendre (1917-1990), grand spécialiste de la zoologie aquatique et professeur à l’Université de Montréal pendant 20 ans.

Mais chassez le naturel, il revient au galop. «Au cours de mes études de troisième cycle à l’Université du Colorado, j’ai réalisé que les deux disciplines n’étaient pas aussi incompatibles qu’elles le paraissaient au premier abord», explique le lauréat 2005 du prix Marie-Victorin. Au contact de ses collègues américains qui n’hésitaient pas à utiliser des outils informatiques pour modéliser les impacts des activités humaines sur l’environnement, Pierre Legendre a commencé à imaginer ce qui s’appellerait un jour l’écologie numérique. Concepteur de méthodes d’évaluation des impacts qui ont fait école – aujourd’hui, ce sont les Américains qui les adoptent (voir Forum du 23 février 2004) –, le biologiste a toujours été convaincu de l’importance de recourir à la statistique et aux mathématiques pour comprendre les systèmes complexes qu’on trouve dans la nature.

Cela ne signifie pas qu’il est devenu cyberdépendant, rivé à son clavier à longueur de journée. Au contraire, le chercheur n’a jamais cessé de combiner travail de terrain et analyse fondamentale. D’ailleurs, à peine deux semaines avant la cérémonie de remise des Prix du Québec à l’Assemblée nationale, il était en Guadeloupe afin d’observer les récifs de coraux qui meurent à vue d’œil à cause du réchauffement de la mer des Caraïbes. «Pas étonnant qu’il y ait tant d’ouragans; la température de l’eau dans ces régions où ils prennent naissance n’a jamais été si élevée», déplore-t-il.

Pas devant les bulldozers

Le prix Marie-Victorin est décerné chaque année à un chercheur pour sa contribution «exceptionnelle au domaine des sciences exactes et naturelles, des sciences de l’ingénierie et technologiques ou des sciences agricoles». Pierre Legendre s’étonne d’avoir été retenu parmi les candidats. «Je ne fais pas des recherches très spectaculaires, dit-il. Et même si je suis un écologiste, je ne suis pas de ceux qui se couchent devant les bulldozers.»

En tout cas, ses multiples travaux peuvent servir la cause des environnementalistes puisqu’ils jettent des éclairages précis sur des situations parfois émotives que peu de gens ont évaluées scientifiquement. «Nos résultats font très souvent la démonstration de l’importance du maintien de la biodiversité», résume-t-il.

Un survol de ses réalisations pourrait se traduire par une énumération fastidieuse, mais un tableau actuel de l’activité de son laboratoire permet de situer un peu le professeur Legendre. Son équipe vient de publier un article majeur dans la revue la plus citée de la discipline: Ecological Monographs. Cet article de 27 pages daté du 1er novembre fait état d’une méthode fiable d’évaluation de la variation des populations dans un écosystème.

Parallèlement, cinq de ses étudiants aux cycles supérieurs mènent en ce moment des travaux sur des problèmes écologiques observés à différents endroits, notamment dans les forêts du Brésil, les cours d’eau des États-Unis et les sources hydrothermales au nord de l’océan Pacifique. Pierre Legendre a également encadré les recherches de trois étudiants postdoctoraux en provenance de Calgary, Lyon et Marseille.

Le prix Marie-Victorin n’est pas le premier honneur à lui échoir. En 1995, il recevait la médaille Miroslaw-Romanowski, qui le faisait entrer à la Société royale du Canada. L’ACFAS lui a aussi attribué son prix Michel-Jurdant en 1986. Mais pour ce grand défenseur de la langue française en sciences, le Marie-Victorin revêt une signification particulière... «Je suis très flatté qu’il m’ait été décerné», affirme-t-il.

Mathieu-Robert Sauvé

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