Volume 40 - numÉro 11 - 14 novembre 2005 |
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Beaucoup de café atténue le risque de cancer du seinUne étude épidémiologique révèle les bienfaits de la caféine chez les femmes prédisposées au cancer du sein
Les femmes génétiquement prédisposées au cancer du sein, c’est-à-dire celles qui sont porteuses de mutations sur le gène BRCA1 ou BRCA2, ont avantage à boire plusieurs tasses de café par jour. Certaines études ont déjà montré que la consommation élevée de café est associée à une diminution du risque de cancer du sein, mais on ne savait pas ce qu’il en était chez les femmes génétiquement prédisposées à ce cancer. Dans la population en général, on compte jusqu’à 5% de femmes porteuses de mutations sur les gènes BRCA alors qu’elles sont deux fois plus nombreuses chez les Canadiennes françaises et chez les Juives ashkénazes. Une nouvelle étude épidémiologique internationale, pilotée par André Nkondjock et Parviz Ghadirian, du centre de recherche de l’Hôtel-Dieu (CHUM), vient de montrer que le risque chez ces femmes de souffrir d’un cancer du sein est inversement proportionnel au nombre de tasses de café qu’elles boivent par jour. L’étude, qui a mis à contribution 40 centres de recherche répartis dans quatre pays (États-Unis, Canada, Pologne et Israël), a porté sur 1690 femmes chez qui des mutations ont été diagnostiquées. Le groupe se composait en parts égales de femmes atteintes d’un cancer du sein et de femmes en bonne santé, ces dernières constituant le groupe témoin. Six tasses et plusLa tendance globale observée est que plus la consommation quotidienne de café augmente, plus le risque de cancer est atténué chez ces femmes à risque. Mais la corrélation ne devient significative qu’à compter de six tasses par jour. «En deçà de six tasses, la tendance va dans le même sens, mais l’écart entre les femmes qui ont un cancer du sein et celles qui ne sont pas malades n’est pas significatif», tient à préciser André Nkondjock. À partir de ce seuil, le café, avec ou sans caféine, entrainerait une diminution du risque de l’ordre de 50%. Mais quand on considère uniquement la consommation de café non décaféiné, la baisse est de 70%. Le café décaféiné, considéré séparément, n’est pas associé à une atténuation significative, mais ce résultat pourrait être lié au faible nombre de consommatrices de décaféiné dans l’échantillon. Le café, qui est la boisson la plus consommée dans le monde, ne réduit pas seulement le risque de cancer du sein. Selon André Nkondjock, plusieurs autres recherches ont montré un lien bénéfique entre le café et la prévention des maladies d’Alzheimer et de Parkinson, du diabète de type 2, des cancers des ovaires, du foie et du pancréas. La littérature scientifique ne rapporte aucun effet nocif, si ce n’est le risque d’une augmentation de l’hypertension chez ceux qui en souffrent déjà. Il y a une quinzaine d’années, une autre étude épidémiologique du professeur Ghadirian avait permis d’établir une corrélation entre café et prévention du cancer du pancréas; cette étude révélait par ailleurs une hausse du risque associé au café décaféiné. Le chercheur attribuait cette différence aux produits chimiques utilisés dans la décaféination. Un effet préventif multifonctionnelL’effet préventif, ou du moins l’effet de réduction du risque de cancer du sein, semble résulter de plusieurs mécanismes. Au premier titre, les chercheurs invoquent l’incidence de la caféine sur le métabolisme de l’œstrogène. On sait que l’œstrogène est l’un des principaux vecteurs du cancer du sein et, chez les buveuses de café, les tissus mammaires y seraient moins exposés. «Et il n’y a pas que la caféine dans le café», souligne M. Nkondjock. On y trouve entre autres des diterpènes, soit des hydrocarbures présents notamment dans la résine et qui ont un effet anticancéreux. Le café est également riche en phytoestrogènes; leur structure semblable à l’œstrogène leur permet de se fixer aux récepteurs d’œstrogène et de limiter d’autant l’influence de cette hormone. On trouve aussi de l’acide chlorogénique dans le café, un antioxydant qui diminue la concentration de glucose dans le sang et augmente la sensibilité à l’insuline; il est reconnu que la résistance à l’insuline est un facteur de risque du cancer du sein. Finalement, l’acide caféique réprimerait l’hyperméthylation de l’ADN. La méthylation de l’ADN inhibe l’expression de certains gènes, dont ceux qui encodent des protéines antitumorales, et elle est une caractéristique des cellules cancéreuses. Ces constituants du café, autres que ceux associés à la caféine, sont probablement présents dans le café décaféiné. Toutefois, l’absence d’effet significatif du café décaféiné sur la diminution du risque de cancer (bien que liée au faible nombre) porte à croire que la caféine pourrait être le principal agent de cette réduction. Faut-il encourager les femmes génétiquement prédisposées au cancer du sein à boire du café? Parviz Ghadirian se montre plutôt réservé parce qu’il s’agit de la première étude sur cette catégorie de sujets et que l’on connait mal le processus par lequel l’action opèrerait. André Nkondjock serait enclin à répondre oui, mais lui aussi demeure quelque peu hésitant. «Je n’en ferais pas nécessairement une prescription, mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas d’effet délétère à boire du café et les études suggèrent d’en consommer», dit-il. Les deux chercheurs poursuivent leurs travaux pour élucider la mécanique préventive du café sur le cancer. Daniel Baril Ovariectomie et cancer du sein |
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