Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 11 - 14 novembre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

capsule SGPUM

1967: la révolution tranquille des professeurs

Claude Lagadec, président fondateur du Syndicat des professeurs de l’UdeM

Forum ouvre ses pages au Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal en publiant une série de capsules sur l’histoire de ce syndicat, à l’occasion de son 30e anniversaire. Les informations sont tirées d’un ouvrage à paraitre aux Éditions du Boréal.

En 1967, le Parlement de Québec adopte une nouvelle charte et de nouveaux statuts pour l’Université de Montréal qui remplacent la charte d’université catholique de 1919 et la loi de 1920 constituant l’Université en corporation autonome. Les professeurs sont divisés sur la position à adopter à l’égard de cette réforme et le débat donne lieu à la formation du Syndicat des professeurs de l’Université de Montréal, fort critique quant au caractère démocratique de la charte.

Au début des années 60, l’Association des professeurs de l’UdeM (APUM), qui regroupe la majorité des enseignants du campus, milite pour réformer les structures de l’Université afin d’en faire un établissement laïque, de caractère public et de fonctionnement démocratique. Le rapport de l’Association sur la réforme en 1964 n’y va pas de main morte, faisant valoir que «le gouvernement de l’Université [doit être] remis aux professeurs parce qu’ils sont les premiers et les plus directement intéressés au bien de l’institution et, par vocation, les plus compétents à l’administrer».

La direction de l’Université, qui ne prévoit au départ que des modifications mineures à la charte, se ravise en 1964 pour entreprendre une révision de fond en comble de son fonctionnement afin de se mettre au diapason de la Révolution tranquille. Elle forme un comité de refonte de la charte et de ses statuts qui aboutit à l’adoption d’une nouvelle charte, toujours en place de nos jours, dont le préambule proclame la reconnaissance des libertés de conscience, d’enseignement et de recherche et convie les professeurs, les étudiants et les diplômés à participer à l’administration de l’établissement.

Cette participation se traduira principalement par la formation d’une nouvelle instance, l’Assemblée universitaire, composée de membres de la direction, de représentants des professeurs, des étudiants et du personnel. La charte prévoit aussi la création du Conseil de l’Université, qui jouit de pouvoirs étendus, et du Comité exécutif, qui assure l’exécution des décisions du Conseil et voit au bon fonctionnement de l’Université.

Le projet de charte rencontre de l’opposition dans le corps professoral, car on juge qu’il ne réserve pas suffisamment de place aux professeurs dans le fonctionnement de l’Université. Présenté à l’assemblée générale de l’APUM en mars 1967, le projet est accepté, mais on précise qu’il ne représente «qu’une étape vers une plus ample démocratisation des structures universitaires».

L’opposition la plus virulente vient du Syndicat des professeurs (SPUM), constitué en décembre 1966 et pour qui le projet de charte «opte pour un système de pouvoir autoritaire et non démocratique». Le Conseil de l’Université disposerait de tous les pouvoirs décisionnels, ne laissant qu’une voix consultative aux différentes instances supposées représenter la communauté universitaire. Lorsque le projet de loi consacrant l’adoption de la nouvelle charte est présenté au Parlement de Québec en juillet 1967, le SPUM fait front commun avec l’Association générale des étudiants de l’Université de Montréal, l’Union générale des étudiants du Québec et les syndicats d’employés de l’Université appuyés par la CSN et la FTQ. Pour le «front commun», la structure proposée ne respecte pas intégralement le caractère public de l’Université, sa non-confessionnalité, la liberté d’enseignement et la participation des membres de la communauté universitaire à sa gestion. Cependant, leur démarche ne fait pas broncher le gouvernement, qui fait adopter sans modification majeure le projet soumis par la direction de l’Université.

À sa fondation, le SPUM tente de convaincre l’Association des professeurs de se transformer en syndicat. Mais c’est peine perdue. Par la suite, il essaie d’enlever l’adhésion de la majorité des professeurs afin d’obtenir un certificat de reconnaissance syndicale. Toutefois, il ne réunira guère plus de 250 d’entre eux sur un total d’environ 800 en 1969. Ce syndicat, qui tient un discours social passablement critique, fusionne avec l’Association des professeurs pour donner naissance à l’actuel Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal en 1975.

Jacques Rouillard
Professeur du Département d’histoire

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