Volume 40 - numÉro 12 - 21 novembre 2005 |
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année internationale de la physiqueMégavolts et nanomètres
Méga- signifie «un million» et nano- «un milliardième». Quel est le rapport entre un million de volts – un voltage imposant, typique d’un générateur tel que le Van de Graaff – et un milliardième de mètre, soit une longueur correspondant à quelques atomes mis bout à bout et qui sont normalement associés à des tensions de quelques millièmes de volt? La réponse est un accélérateur de particules, un instrument de très haute précision qui utilise cet énorme voltage pour produire un faisceau d’ions terriblement rapides – quelques milliers de kilomètres par seconde –, lesquels sont ensuite employés pour modifier la structure des matériaux à l’échelle du nanomètre ou encore pour fabriquer des structures de taille nanométrique! Quand un matériau n’est pas «dérangé», on dit qu’il est en équilibre, un état où les atomes vibrent tout doucement autour de leurs positions normales avec des vitesses de quelques mètres par seconde. On comprend alors que l’irradiation des matériaux par un faisceau ionique est une technique qui engendre un fort déséquilibre! La fabrication de nanocavités par implantation d’ions d’hélium est un exemple d’application de cette technique; on s’en sert notamment pour produire de minuscules bulles dans le silicium, le semi-conducteur à la base de l’industrie de la microélectronique. En raison de leur vitesse élevée, les ions sont capables de pénétrer profondément dans le matériau, à des distances pouvant atteindre le micromètre. À cette profondeur, la concentration d’hélium excède rapidement la «limite de solubilité»; il survient alors un phénomène qu’on observe lorsqu’on fait, par exemple, sauter le bouchon d’une bouteille de champagne, qui contient du gaz carbonique au-delà de la limite de solubilité: des bulles se forment! Dans notre cas, les bulles sont remplies d’hélium et ont un diamètre de quelques nanomètres; leurs surfaces sont «ultrapropres», car elles n’ont jamais été exposées à l’atmosphère ambiante. Tout comme les bulles dans le champagne sont «utiles» – elles en rehaussent le gout –, les bulles dans le silicium ont leurs applications, comme le piégeage des impuretés, le «découpage» de structures extrêmement minces et la fabrication de substrats pour le dépôt de matériaux de très haute technologie. Un second exemple est le «martelage par faisceau ionique», effectué à l’aide d’ions lourds dans des conditions de fort déséquilibre. Lorsque ces ions frappent la surface d’un matériau, le freinage qui se produit dans un temps vraiment court et sur une distance de seulement quelques nanomètres dégage tellement d’énergie que le matériau subit des changements de forme, un peu comme un feuil d’or qui est martelé. Le mécanisme de cette déformation n’est pas encore compris et, curieusement, ne survient que dans les matériaux amorphes, aussi nommés «verres», ne possédant pas l’ordre régulier des matériaux cristallins. Un phénomène curieux se produit cependant si l’on martèle une mince couche de verre contenant de petits cristaux d’or: la déformation est transmise aux nanocristaux qui, de forme à peu près sphérique, deviennent ovales. Les nanocristaux d’or dans le verre donnent lieu à des bandes de couleurs distinctes qu’on peut observer, entre autres, dans les vitraux des anciennes cathédrales. La déformation par martelage rend les couleurs encore plus distinctes, car elles dépendent dès lors de la polarisation de la lumière, ainsi que de l’angle sous lequel celle-ci touche le «nanovitrail»! Les chercheurs du Laboratoire de faisceaux d’ions du Département de physique s’intéressent de près à l’étude de ces phénomènes appelés à jouer un rôle déterminant dans la révolution technologique qui nous pend au bout du nez (et du sans-fil!): le passage de la microélectronique à la nanoélectronique! Sjoerd Roorda |
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