Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 12 - 21 novembre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

capsule SGPUM

La valse-hésitation des professeurs devant la syndicalisation

Marie-Andrée Bertrand

Forum ouvre ses pages au Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal en publiant une série de capsules sur l’histoire de ce syndicat, à l’occasion de son 30e anniversaire.

Pendant sept ans (1965-1972), les professeurs de l’Université de Montréal sont divisés sur la nécessité de remplacer leur association par un véritable syndicat doté d’une accréditation du ministère du Travail. Ils mettent donc du temps à apprivoiser le modèle syndical, que plusieurs assimilent au seul milieu ouvrier et trouvent mal adapté à la tâche et au statut professoraux.

Comme nous l’avons vu dans une capsule précédente, les professeurs se réunissent d’abord, en 1955, au sein de l’Association des professeurs de l’UdeM (APUM), qui milite pour la démocratisation et la laïcisation des structures de l’Université tout en se chargeant de présenter les doléances de ses membres à l’administration. Même si l’adhésion est volontaire, l’Association regroupe la majorité des professeurs.

À la faveur de la vague d’embauche de jeunes professeurs au début des années 60 et du climat d’effervescence sociale qui touche la société québécoise, des professeurs songent à transformer l’Association en un véritable syndicat qui négocierait leurs conditions de travail sous l’empire du code du travail. Une première requête en ce sens, signée par 26 d’entre eux, est acheminée au comité de direction de l’APUM en mars 1965. On forme un comité d’enquête qui rend un rapport convenant que l’Association peut devenir un syndicat. Mais la direction de l’APUM montre peu d’intérêt à évoluer rapidement dans ce sens. Déçus, les partisans de l’option syndicale forment en décembre 1966 un syndicat en parallèle à l’Association qui s’emploie aussitôt à faire opposition à l’adoption de la nouvelle charte de l’Université de Montréal. Cependant, ce syndicat (le SPUM) ne parviendra pas à obtenir l’adhésion de la majorité des professeurs, ce qui lui aurait permis de les représenter auprès de l’administration.

Consciente de l’intérêt d’une partie du corps professoral pour la syndicalisation, l’APUM forme un comité qui rend un rapport étoffé en 1967 établissant les arguments pour et contre la syndicalisation. Pour les uns, un syndicat s’impose, car l’Université est maintenant dirigée par des administrateurs et les professeurs sont devenus des «exécutants». L’accréditation donnerait une plus grande force de revendication pour défendre la liberté d’enseignement, enrayer l’arbitraire et faire suivre à la rémunération les conditions du marché. Par contre, elle aurait pour effet d’exclure les professeurs occupant des fonctions administratives, elle ramènerait tous les professeurs à une échelle salariale minimale et conviendrait mal au type de travail qu’accomplissent les professeurs. De plus, la syndicalisation va à l’encontre de l’objectif de participation qui guide la nouvelle charte de l’Université. Pour dénouer l’impasse, la direction de l’APUM organise, en 1967, un référendum qui montre que le tiers seulement des professeurs est en faveur d’une syndicalisation immédiate.

À la fin de 1970, l’équilibre entre les partisans de la syndicalisation et ses opposants se déplace à la suite de la commotion causée par la décision du Conseil de l’Université de ne pas renouveler les contrats de 28 professeurs. Les comités de direction de l’Association et du SPUM convoquent alors une assemblée générale commune où les 143 professeurs présents adoptent deux résolutions, dont l’une presse les deux organisations de constituer un syndicat unique. Le contexte s’y prête bien, puisque les professeurs d’autres universités commencent à se regrouper en syndicats et que la Fédération des associations de professeurs d’université recommande à ses associations membres de se transformer en syndicat. Cependant, à l’Université de Montréal, la direction de l’Association tergiverse. C’est alors que les partisans de la syndicalisation décident de présenter aux élections du printemps 1971 une équipe à la direction de l’APUM, qui s’engage à tout mettre en œuvre pour former un syndicat accrédité. La majorité des membres de l’équipe sont élus, sans opposition pour Marie-Andrée Bertrand à la présidence et Henri-François Gautrin au poste de secrétaire. Cette élection marque la victoire définitive de la cause syndicale sur le modèle associatif de l’APUM.

Peu après, la nouvelle direction de l’APUM et celle du SPUM conviennent qu’il serait préférable de créer un nouveau syndicat au lieu de tenter d’inviter les professeurs à rallier le SPUM, qui traine une image de radicalisme. C’est ainsi que le Syndicat général des professeurs (SGPUM) est formé le 1er mars 1972 et son accréditation obtenue en 1975, une fois confirmée l’adhésion de la majorité des professeurs.

Jacques Rouillard
Professeur du Département d’histoire

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