Volume 40 - numÉro 12 - 21 novembre 2005 |
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capsule scienceDoit-on craindre les tests prénataux?
À l’heure actuelle, 4,3 échographies en moyenne sont réalisées pour chaque grossesse, ce qui représente pas moins de trois millions d’échographies par an au pays. Trois femmes enceintes sur quatre ont recours au dépistage sanguin de la trisomie 21 et 11% d’entre elles à une amniocentèse afin de détecter le syndrome de Down. Depuis l’apparition de ces examens, il y a environ 30 ans, des progrès considérables ont été accomplis. Un nombre toujours croissant d’anomalies peuvent être dépistées. Intégré aux pratiques de surveillance de la grossesse, le diagnostic prénatal, soit l’ensemble des examens qui permettent d’établir l’état de santé du fœtus, n’est toutefois pas infaillible. Pire encore. L’équilibre est fragile entre le diagnostic prénatal et l’eugénisme. Doit-on craindre toutes ces techniques de dépistage d’anomalies, de maladies ou de malformations? David Roy semble enclin à répondre oui, mais il demeure quelque peu hésitant. «Qu’une femme décide d’interrompre sa grossesse parce qu’on a détecté une affection d’une particulière gravité, c’est une chose. Mais la réflexion ne doit pas se limiter à la question du dépistage génétique. Il faut plutôt se demander quelle sorte de société nous risquons de devenir en généralisant le diagnostic prénatal. Est-ce qu’une femme avortera parce qu’un embryon est porteur d’un gène du diabète? Nous sommes tous à risque de quelque chose. Personne ne possède un ADN parfait!» Professeur à la Faculté de médecine et directeur depuis 1976 du Centre de bioéthique à l’Institut de recherches cliniques de Montréal, il rappelle que le fait d’être porteur d’une maladie ne veut pas dire que la maladie se développera un jour. «On pose un diagnostic prénatal sur des maladies qui se déclareront peut-être dans 25, 30 ou 40 ans. Qui sait ce que seront les percées thérapeutiques?» M. Roy n’est pas contre tous les programmes de dépistage génétique prénatal subventionnés par l’État, mais il aimerait qu’on envisage ceux-ci comme une possibilité et non comme un acquis. «Ce que je crains surtout, c’est qu’on glisse vers une forme d’eugénisme sans même s’en rendre compte», dit-il. Déjà, certains praticiens sont d’avis que la baisse marquée du nombre de nouveau-nés affligés de tares génétiques représente un avantage de l’usage répandu du dépistage prénatal. Une présomption qui sous-tend, selon les éthiciens, que tous ceux qui sont atteints d’un handicap ne peuvent mener une vie satisfaisante et ne sont pas les bienvenus dans la société. «Les enfants qui naitront avec un handicap feront-ils partie de la catégorie dite de naissances couteuses ayant pu être évitées?» se demande le récipiendaire d’un doctorat honoris causa pour son engagement en sciences médicales et humaines. Pour l’instant, seules les maladies très graves et sans traitement connu au moment du diagnostic sont susceptibles de justifier une interruption de la grossesse. Environ trois pour cent des amniocentèses révèlent une anomalie du caryotype qui conduit à un avortement. Les anomalies chromosomiques n’atteignent que 1 nouveau-né sur 500, la moitié de ces anomalies étant une trisomie 21. Mais au fur et à mesure que le répertoire de dépistage prénatal augmentera, ne serons-nous pas tous considérés tôt ou tard comme des êtres potentiellement jetables? Dans un ouvrage récent intitulé Génétique, éthique et complexité, David Roy rapporte les résultats d’une enquête menée avec deux autres collègues, Gail Ouellette et Jean-Louis Lévesque, auprès de spécialistes partout dans le monde. Deux problèmes majeurs ont été cernés. «On a constaté un manque flagrant de conseillers génétiques médicaux ainsi qu’une pénurie de personnes qualifiées pour effectuer l’analyse de tests d’ADN», affirme le bioéthicien. Lorsqu’on sait que des erreurs d’interprétation de tests génétiques risquent de conduire plusieurs femmes à mettre fin à leur grossesse, cela fait frémir… Malheureusement, Industrie Canada abonde dans le même sens que M. Roy. Sur son site Internet, on peut lire: «L’expertise des laboratoires sur les tests génétiques s’est développée plus rapidement que l’expertise dans les services de consultation génétique et les études sur l’efficacité et la valeur des tests génétiques. Cela a soulevé de nombreuses questions entourant l’utilité des tests génétiques et leurs risques, leurs avantages et leurs impacts sur la société.» Dominique Nancy |
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