Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 14 - 5 dÉcembre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Réparer le cœur avec des cellules souches

Les Drs Nicolas Noiseux et Samer Mansour sont à l’avant-garde de la recherche canadienne sur les cellules souches

Le Dr Samer Mansour lors d'un protocole clinique effectué en Belgique.

Au Québec, plus de 250 000 personnes souffrent d’insuffisance cardiaque, causée pour la moitié par un infarctus. Cette maladie très grave est traitée le plus souvent par angioplastie ou par pontage et les cas les plus sérieux nécessitent une transplantation cardiaque.

Les chercheurs disposent maintenant d’une nouvelle approche sur laquelle la médecine fonde beaucoup d’espoir: la transplantation de cellules souches.

«Présentes dans plusieurs tissus et particulièrement dans la moelle osseuse, les cellules souches peuvent se transformer en différentes cellules du corps, fait remarquer le Dr Nicolas Noiseux, professeur et chercheur au Département de chirurgie et chirurgien cardiaque à l’Hôtel-Dieu du CHUM. Quand une lésion survient, ces cellules sont appelées sur les lieux de la blessure pour reconstruire les tissus détruits en répondant aux signaux du milieu où elles se trouvent.»

Depuis une décennie, les chercheurs travaillent à l’exploitation de ce processus naturel afin de l’amplifier pour accélérer et faciliter la réparation et la régénération de tissus détruits, que ce soit le cœur, le sang, les muscles ou les nerfs. Le grand avantage de cette méthode en médecine régénérative serait d’éviter le recours aux transplantations, un procédé extrêmement invasif et limité à cause du faible nombre de donneurs.

Guérir l’infarctus

Le processus d’action des cellules souches est très complexe et mal connu: elles peuvent remplacer les cellules cardiaques mortes, fusionner avec d’autres cellules pour prévenir l’apoptose et même sécréter plusieurs facteurs de croissance qui vont accroitre la formation de nouveaux vaisseaux sanguins. Il en existe plusieurs types, et certaines montrent déjà des signes de spécialisation, notamment pour ce qui est des cellules cardiaques.

«À la suite d’un infarctus, les cellules souches entrent normalement en action pour régénérer le muscle cardiaque, mais elles sont trop peu nombreuses pour traiter complètement la cicatrice, indique le Dr Noiseux. Il s’ensuit une perte irréversible des cellules cardiaques contractiles et un affaiblissement du myocarde.»

Comme l’infarctus est causé par un blocage coronarien et que les cellules souches sont véhiculées par le sang, l’accès à la lésion est d’autant réduit. Les chercheurs ont donc élaboré différentes méthodes permettant d’implanter directement dans le muscle cardiaque des cellules souches sélectionnées.

Sur des modèles animaux, ce procédé a donné des résultats très convaincants. Aussi tôt que trois jours après le déclenchement d’un infarctus et la transplantation de cellules souches, la contractilité du muscle cardiaque apparait nettement améliorée.

Le processus en est maintenant au stade des essais cliniques. Le Dr Samer Mansour, professeur et chercheur au Département de médecine et cardiologue interventionniste à l’Hôtel-Dieu du CHUM, a participé à des projets cliniques en Belgique. «À l’aide d’un cathéter, on débloque l’artère obstruée et l’on injecte à l’endroit de la lésion des cellules souches prélevées sur le patient lui-même», explique-t-il. Le rétablissement de la circulation sanguine apportera ces cellules dans une zone privée d’irrigation où elles remplaceront les cellules mortes. L’intervention est simple et ne demande qu’une anesthésie locale.

«Les résultats ont montré une nette amélioration de la fonction globale, de la perfusion et de la viabilité cardiaques par rapport au groupe témoin», affirme le chercheur.

Méthode indirecte

Le Dr Noiseux travaille pour sa part sur un mode d’action indirecte des cellules souches, c’est-à-dire sur l’effet des facteurs de croissance qu’elles produisent.

«Le but est d’arriver à cerner quel est le meilleur procédé à utiliser», souligne-t-il. Des travaux, auxquels il a collaboré et dont les résultats étaient publiés dans le numéro d’avril 2005 de Nature Medicine, montrent un rôle important de ces facteurs dans la prévention de l’insuffisance cardiaque chez les rats dont le myocarde a été privé d’afflux sanguin.

«Nous travaillons avec des cellules souches adultes qui pourraient, en clinique, être prélevées dans la moelle osseuse du patient lui-même, tient à préciser le Dr Noiseux. Ceci éviterait les rejets et le procédé ne pose aucun problème d’ordre éthique.»

Nicolas Noiseux recourt en outre à la thérapie génique, qu’il combine avec la thérapie cellulaire afin de modifier génétiquement les cellules souches et d’altérer leur comportement. «Avec l’application de nouvelles technologies de pointe à des problèmes cliniques de taille, nous voyons émerger un nouveau type de médecins-chercheurs, les “cellulégiens”», lance le Dr Noiseux.

Les deux chercheurs sont très confiants de voir la transplantation de cellules souches être un jour utilisée en clinique et faire partie de l’arsenal thérapeutique courant. Cependant, plusieurs essais précliniques en laboratoire suivis d’essais cliniques rigoureux sont encore nécessaires pour préciser le potentiel thérapeutique de cette méthode et déterminer la meilleure source de cellules souches à employer.

Daniel Baril

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