Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 14 - 5 dÉcembre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Capsule SGPUM

Forum ouvre ses pages au Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal en publiant une série de capsules sur l’histoire de ce syndicat, à l’occasion de son 30e anniversaire.

Les professeurs sauvent leurs collègues mis à pied

Pierre Bordeleau

En 1981, les professeurs membres du Syndicat général des professeurs de l’Université de Montréal (SGPUM) acceptent en assemblée générale de voir leur rémunération annuelle amputée de un pour cent pour permettre à 16 de leurs collègues de conserver leur emploi. Ce geste de solidarité permet à certains d’entre eux de faire encore carrière à l’UdeM.

En 1981-1982 survient la récession économique la plus importante depuis celle des années 30, ce qui a pour effet de réduire les entrées de fonds du gouvernement du Québec. Aux prises avec un déficit anticipé considérable, le gouvernement fait appel aux universités pour qu’elles réduisent leurs dépenses. Ainsi, en septembre 1981, le ministère de l’Éducation «propose» à la direction de l’Université de Montréal un plan d’équilibre budgétaire qui prévoit une réduction marquée de son financement pour 1982-1983; il laisse également entrevoir des compressions significatives pour les deux années suivantes. La direction réagit en expédiant le mois d’après un avis de non-renouvèlement de contrat à 69 chargés d’enseignement et professeurs adjoints. Elle qualifie ces mises à pied de «non-renouvèlements techniques» qui théoriquement ne devraient pas s’appliquer à tous, mais uniquement à un certain nombre de professeurs selon les priorités d’enseignement et de recherche.

Pour les membres du SGPUM, la nouvelle est synonyme de branlebas de combat: il n’est pas question de laisser la porte ouverte à des mises à pied. Le président Pierre Bordeleau présente à la réunion de l’Assemblée universitaire du 23 novembre 1981 une résolution adoptée à la quasi-unanimité (tous les doyens présents, étudiants, cadres et professionnels ont donné leur appui) demandant au Comité exécutif d’annuler immédiatement les non-renouvèlements de contrat et d’envisager d’autres mesures pour tenter d’équilibrer le budget. Invoquant le vieillissement du corps professoral qu’entrainent les non-renouvèlements, il met en relief la contribution capitale des jeunes professeurs et les conséquences à long terme de leur départ sur le développement de l’Université. Quelques jours plus tard, à l’occasion d’une rencontre avec le ministre de l’Éducation Camille Laurin, le président Bordeleau prononce un vigoureux réquisitoire contre les compressions, «dégouté de voir [le gouvernement] s’acharner à détruire, par une politique à courte vue qui relève à maints égards de la tactique la plus haïssable, un des acquis les plus essentiels à une société, particulièrement à une jeune société comme celle du Québec».

Une assemblée générale extraordinaire des professeurs est convoquée le 2 décembre (459 professeurs y assistent) où sont adoptées plusieurs résolutions dont une dénonce «la politique du gouvernement du Québec qui réduit et asservit les universités québécoises», une autre prévoit deux journées d’étude en guise de protestation et une troisième demande aux professeurs siégeant aux comités n’ayant pas de pouvoirs décisionnels de suspendre leur participation à ces instances.

Quelques jours plus tard, le recteur Paul Lacoste convoque des membres du bureau du SGPUM, invitant les professeurs à sacrifier une partie de leur salaire s’ils veulent renouveler les contrats d’embauche de leurs collègues. «Le nombre de professeurs rappelés, indique le vice-recteur Jacques Lucier, sera fonction des sacrifices que les professeurs feront.»

Au début février, la direction de l’Université rappelle 53 des 69 professeurs qui ont reçu un avis de non-renouvèlement de contrat. Reste sur la touche 16 d’entre eux, dont le maintien à l’UdeM représente près de un demi-million de dollars (6 professeurs adjoints et 10 chargés d’enseignement). Le bureau du Syndicat se montre prêt à considérer une diminution de salaire pour ces derniers que l’administration établit à un pour cent de la masse salariale des professeurs pour 1982-1983. Le projet est accepté en assemblée générale du SGPUM, où l’on pose cependant comme conditions la nécessité de garanties solides qu’on ne procède plus à des mises à pied à l’avenir, que les cadres fassent un effort supérieur à celui des professeurs et que toutes les données servant à l’établissement du budget de l’Université soient connues à l’Assemblée universitaire.

Le Comité exécutif de l’Université accepte de réembaucher les 16 professeurs et chargés d’enseignement en échange d’une réduction des augmentations salariales, mais il refuse de s’engager à maintenir le nombre de postes de professeurs et de devoir soumettre des données touchant au budget aux membres de l’Assemblée universitaire. Placé au pied du mur, le Syndicat consulte alors ses membres par la voie d’un référendum postal sur la décision de l’administration de limiter le protocole d’entente au seul rappel des 16 professeurs. Cette décision est acceptée par 86% des professeurs qui participent au référendum. Le SGPUM-Stop du 1er avril 1982 titre: «Les professeurs de l’Université de Montréal sauvent leurs collègues mis à pied.»

Jacques Rouillard
Professeur du Département d’histoire

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