Volume 40 - numÉro 16 - 16 janvier 2006 |
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Les dépressifs ne mangent pas assez de poissonLe Dr François Lespérance lance la plus importante étude jamais effectuée sur le traitement de la dépression avec des oméga-3
Même si on les décrit parfois comme les médicaments miracles de la psychiatrie, les Prozac, Paxil, Celexa et compagnie sont inefficaces chez le tiers des personnes traitées pour dépression majeure. Les symptômes de tristesse et d’apathie ou les troubles du sommeil persistent malgré la prise des psychotropes. «Les antidépresseurs ne conviennent pas à tous», explique le psychiatre François Lespérance, qui a lancé la semaine dernière au CHUM la plus importante étude jamais réalisée sur le traitement de la dépression à l’aide de suppléments alimentaires composés d’oméga-3. « Nous croyons qu’une approche non pharmaceutique peut présenter la même efficacité qu’un traitement aux antidépresseurs», a dit le médecin devant une foule de journalistes. Dans le cadre de cette étude multicentrique qui a débuté à la fin de 2005 et qui se poursuivra jusqu’en juin 2007, deux groupes de patients totalisant 508 personnes recevront quotidiennement, sous forme de gélules, soit une dose d’oméga-3, soit un placébo. Au terme des huit semaines d’expérimentation, on évaluera l’état de santé de chaque sujet. À l’automne 2007, les chercheurs devraient pouvoir publier leurs résultats. Présent à la conférence de presse du 11 janvier, le médecin français David Servan-Schreiber s’est dit fier de voir l’Université de Montréal entreprendre une étude d’une telle envergure mettant l’accent sur les rapports entre la nutrition et la maladie mentale. «Les avantages potentiels de cette recherche sont considérables pour les patients et pour le système de santé, a-t-il déclaré. Les patients atteints de dépression demandent souvent des solutions de remplacement à la prise d’antidépresseurs traditionnels.» L’auteur du bestseller Guérir le stress, l’anxiété, la dépression sans médicaments ni psychanalyse a rendu hommage à l’équipe montréalaise. «Les endroits où l’on peut réunir un aussi grand nombre de patients et mener une telle recherche ne sont pas si nombreux», a-t-il signalé à Forum. Poisson et dépressionL’oméga-3, a rappelé un spécialiste de la question rattaché à l’Université Laval, Michel Lucas, est un acide gras polyinsaturé qui a longtemps été très présent dans l’alimentation humaine. L’acide gras faisait partie du régime du chasseur-cueilleur et même de l’agriculteur; c’est la révolution industrielle qui l’a fait disparaitre. D’ailleurs, les communautés qui consomment régulièrement du poisson gardent un bon taux d’oméga-3 dans leur sang... et comptent un faible pourcentage de dépressifs. Le Québécois des grands centres n’ingurgite, en moyenne, que 15 g de poisson par jour, contre 150 pour l’Inuit de la Baie-James, dont les tissus renferment «presque autant d’oméga-3 que les tissus des pingouins», selon M. Lucas. Le supplément sous forme de gélule peut constituer une solution de rechange intéressante pour ceux qui ont exclu le poisson de leur alimentation. Pour le Dr Servan-Schreiber, il ne fait pas de doute que le cerveau est une partie du corps, et ce qu’on présente au corps alimente le cerveau. «Les oméga-3 sont essentiels à la fluidité des neurones, a-t-il expliqué. Ils jouent un rôle dans la sécrétion de la sérotonine, de la dopamine et de l’hormone du stress. Si on ne les trouve pas dans l’assiette, ils ne se retrouveront pas dans le cerveau.» On prête aux acides gras comme l’oméga-3 une grande diversité de vertus: prévenir les maladies cardiovasculaires, contrer la croissance des tumeurs cancéreuses, réduire les rechutes chez les patients atteints de la maladie de Crohn, diminuer les symptômes de l’arthrite rhumatoïde, baisser les risques d’accouchement prématuré, réduire l’hyperactivité, les migraines et les désordres de la personnalité. Chef du service de psychiatrie du CHUM et professeur à la Faculté de médecine de l’UdeM, François Lespérance s’intéresse depuis longtemps aux méthodes alternatives de traitement de la dépression. Pour cette recherche, il s’est entouré de collaborateurs de l’Université McGill, de l’Université Laval, de l’Université Queen’s (Ontario) et du Réseau universitaire intégré de santé de l’UdeM. L’entreprise européenne Isodisnatura, qui commercialise le supplément OM3 utilisé dans la recherche, finance la recherche à raison de 420 000$. C’est le Dr Servan-Schreiber qui a fondé Isodisnatura, dont il est le directeur scientifique. Mathieu-Robert Sauvé |
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