Bienvenue dans le jeu vidéo

Ubisoft et l’UdeM travaillent à un DESS en design de jeux

Luc Courchesne

Dans le Panoscope 360, une coupole inversée de 5,5 m de diamètre et de 3 m de hauteur à l’intérieur de laquelle on projette des images, le spectateur reste physiquement immobile, mais se déplace virtuellement grâce à une manette de contrôle. L’immergé découvre une série de mondes impressionnistes, allant d’une simple grille tridimensionnelle à des nuages de cubes, en passant par des paysages vallonnés. Forum l’a expérimenté. La sensation de mouvement est très réussie et le sentiment d’immersion est renforcé par l’ambiance sonore.

Cette installation de Luc Courchesne, directeur de l’École de design industriel, permet de recréer un univers tridimensionnel où l’individu est littéralement plongé dans un bain audiovisuel. Les images de synthèse utilisées ont été conçues par M. Courchesne avec la collaboration de Guillaume Langlois, de la Société des arts technologiques.

Une autre version du Panoscope pousse encore plus loin l’interactivité. Un peu à la manière des «livres dont vous êtes le héros», qui ont fait fureur dans les années 80, le spectateur est invité à choisir son action parmi des options prédéterminées. Des séquences vidéo tournées sont projetées dans la coupole en fonction de ses choix. Le décor est celui de la campagne japonaise, où le spectateur évolue. Celui-ci peut marcher sur des sentiers, entrer dans des maisons, rencontrer des personnages.

Pas étonnant que les travaux de M. Courchesne intéressent l’industrie du jeu vidéo. Des consoles où les clients pourraient entrer dans le système et interagir avec tout leur corps, cela pourrait représenter une petite révolution dans l’industrie du divertissement.

L’École de design industriel travaille en partenariat avec la compagnie Ubisoft pour créer un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en design de jeux. Les besoins d’Ubisoft en formation sont tels que la société a accepté de fournir les locaux et le matériel, alors que l’UdeM s’occupera de l’enseignement. L’objectif est d’accueillir les premiers étudiants dès l’automne 2006. On prévoit aussi la création d’un programme de maitrise et d’un programme de baccalauréat lorsque le DESS sera sur pied.

Traverser le miroir

Pour M. Courchesne, réalité virtuelle et interactivité sont au cœur de l’art du 21e siècle. Mais en dépit de l’aspect avant-gardiste de son Panoscope, le directeur s’inscrit en continuité avec l’histoire de l’art: «Je réinterprète une vieille idée, dit M. Courchesne. Au 19e siècle, les panoramas étaient très populaires. Les foules se massaient dans les salles en forme de coupoles où l’on reconstituait des villes entières en y installant des panneaux peints. Le cinéma a détrôné les panoramas au 20e siècle avec ses images en mouvement. Aujourd’hui, je rassemble ces deux formes d’art en y ajoutant l’interactivité», raconte-t-il.

M. Courchesne a toujours intégré l’interactivité à ses installations vidéo, qui composent une partie importante de son travail. Il explique que l’objectif de ses travaux est de nous faire passer du mode de la représentation au mode de l’expérience: «Dans le cinéma ou la peinture, on transpose la réalité sur une surface – le tableau ou l’écran. Avec la réalité virtuelle immersive, il ne s’agit plus de représenter le monde, mais de le reproduire, de faire passer le spectateur de l’autre côté du miroir comme le fait le personnage d’Alice dans Alice au pays des merveilles.»

Aux yeux de M. Courchesne, ce désir de concevoir des mondes virtuels nous mènera aussi à vouloir transformer le monde réel. «Nous nous dirigeons vers un monde qui répondra mieux aux attentes des êtres humains. Par exemple, nous pourrons avoir des bâtiments intelligents capables de détecter notre présence et de réagir en conséquence, ne serait-ce qu’en adaptant la température ou l’éclairage lorsqu’il y a quelqu’un dans une pièce», déclare-t-il. Ce serait une façon de rendre le monde un peu moins hostile, ajoute-t-il.

Voilà d’ailleurs le lien entre la réalité virtuelle et le design industriel: Luc Courchesne croit qu’un jour les ordinateurs seront comme les moteurs dans les voitures. Ils seront partout, mais invisibles à nos yeux, car entièrement intégrés aux applications qu’ils servent. Disparue la grosse boite beige encombrante et place aux maisons intelligentes...

François-Nicolas Pelletier
Collaboration spéciale