Volume 40 - numÉro 19 - 6 fÉvrier 2006 |
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La violence à l’école prédispose à la consommation de drogueLa délinquance juvénile s’exerce rarement seule
Les élèves qui ont un comportement violent en première année du secondaire sont plus nombreux que les non-violents à faire usage d’alcool et de marijuana l’année suivante. «La délinquance juvénile s’exerce rarement seule et l’influence des pairs facilite la consommation de drogue. L’attitude violente est un autre élément prédisposant», fait observer le chercheur Jean-Sébastien Fallu. Au terme d’une recherche sur les liens entre violence et toxicomanie auprès de plus de 800 jeunes de Montréal, il est apparu clairement que les comportements violents constituaient un terrain fertile pour la consommation de drogue. «Plus il y a d’enfants violents dans une école, plus la consommation de drogue est grande», résume le chercheur, qui a présenté ses résultats à un important symposium tenu à Bordeaux, en France, le mois dernier. Pour parvenir à ses résultats, le professeur adjoint à l’École de psychoéducation a obtenu la collaboration des chercheurs Patrick Manzoni, de l’Université de Toronto, Alexandre Morin, de l’Université de Sherbrooke, et Michel Janosz, de l’Université de Montréal. Leur découverte pourrait influer sur les interventions en milieu scolaire. «Si l’on s’attaque à la violence, on fait d’une pierre deux coups, car on agit en amont du problème, reprend le professeur Fallu. On peut ainsi diminuer à la fois le taux de violence et le taux de consommation de drogue.» Bien que réticent à donner des chiffres (l’analyse visait principalement à préciser des liens de causalité entre différentes hypothèses), le chercheur a consenti à donner l’exemple de 10 jeunes de première secondaire aux prises avec des problèmes comportementaux et qui ont, à l’occasion, expérimenté les effets de psychotropes. Si l’on rencontre ces jeunes un an plus tard, l’un d’entre eux sera carrément toxicomane; trois auront haussé légèrement leur consommation de drogue et, sur les six autres, les changements ne seront pas significatifs. «En une seule année, il se sera tout de même produit chez ces jeunes des transformations comportementales qui, à l’échelle d’une école, peuvent avoir des effets sensibles», explique-t-il. Drogue et violence à l’écoleLa violence et la consommation de drogue sont des phénomènes difficiles à mesurer avec précision dans une école secondaire. L’équipe de Jean-Sébastien Fallu s’est appuyée sur une vaste enquête menée auprès de 1370 élèves de première secondaire de cinq écoles en milieu défavorisé et nommée «Projet montréalais sur le développement de la dépression adolescente». Au total, 868 répondants ont été sélectionnés. Les variables comme le sexe, le statut socioéconomique et l’indiscipline ont été prises en compte, mais on s’est surtout attardé aux questions liées aux comportements agressifs. Exemples: «T’es-tu battu à coups de poing avec une autre personne?»; «As-tu pris part à des batailles entre groupes de jeunes (gangs)?»; «As-tu porté une arme (une chaine, un couteau, un fusil, etc.)?» Les données ont été mises en corrélation avec les questions sur la consommation d’alcool et de drogue, qui étaient tout aussi directes: «Depuis le début de l’année scolaire, t’es-tu soulé avec de la bière, du vin ou d’autres boissons fortes?»; «As-tu pris de la marijuana ou du hachich (joint, pot)? Jamais? Une ou deux fois? Plusieurs fois?» La violence en milieu scolaire est-elle en hausse ou en baisse? Selon certains auteurs, elle n’a pas connu d’augmentation notable, mais elle est aujourd’hui plus apparente, car les cas sont plus vite rapportés aux directions d’école. «À mon avis, il n’y a pas nécessairement plus d’individus violents de nos jours, mais les actes qu’ils commettent sont plus graves», juge le psychoéducateur. Ainsi, les attaques à l’arme blanche étaient rares autrefois, mais l’on se battait sans doute autant qu’à notre époque dans les cours d’école. Nouvel éclairageJean-Sébastien Fallu s’intéresse depuis longtemps aux liens entre la consommation de drogue et la violence. Évidemment, effectuer des recherches sur le terrain scolaire lui paraissait pertinent. Mais il tient à mettre en garde le public contre l’interprétation qu’on peut faire de ces résultats. «Je trouve qu’on a tendance à démoniser la drogue, presque sans mesure. Lorsque les médias parlent de drogue, leur angle est généralement très orienté.» Il existerait à son avis des «facteurs de protection» contre la toxicomanie, même chez les consommateurs. Lui-même hésite d’ailleurs à utiliser le mot «toxicomane» pour désigner les consommateurs de psychotropes. À son avis, certains individus pourront consommer des drogues et de l’alcool toute leur vie sans que cette habitude ait sur eux des conséquences néfastes. D’autres, au contraire, succomberont à une dépendance. Mais cette dépendance ne sera ni définitive ni pathologique, estime-t-il. En tout cas, cette étude vient apporter un nouvel éclairage sur les liens entre la violence et la drogue, une piste que le jeune chercheur entend suivre encore quelques années. Jean-Sébastien Fallu a d’abord étudié la toxicomanie et la psychologie au premier cycle avant de consacrer sa maitrise au décrochage scolaire. Son doctorat, au Département de psychologie, portait sur la toxicomanie. Il a quitté l’UdeM le temps d’un postdoctorat, qu’il a fait à l’Université de Toronto. Mathieu-Robert Sauvé |
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