Volume 40 - numÉro 20 - 13 fÉvrier 2006 |
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Les enfants pauvres gagnent à fréquenter une garderieSylvana Côté reçoit 550 000$ des IRSC pour poursuivre ses recherchesLes enfants issus de familles où règnent la pauvreté, les conflits interpersonnels et les problèmes de santé mentale auraient particulièrement intérêt à bénéficier de services d’éducation préscolaire de haute qualité dès les premières années de leur vie. « L’observation attentive du comportement d’enfants de trois ou quatre ans nous amène à conclure que ceux qui viennent de milieux défavorisés sont moins agressifs s’ils ont fréquenté les services de garde au début de la vie que s’ils sont restés à la maison», explique la psychologue Sylvana Côté, auteure d’une importante étude sur le sujet. Le problème, ajoute-t-elle, c’est que ces enfants issus de milieux difficiles sont les moins susceptibles de fréquenter les services de garde. Faute d’argent ou de places disponibles au centre de la petite enfance (CPE), ils subissent les problèmes liés à leur milieu socioéconomique. Lorsque commence la maternelle, ils sont plus nombreux à mordre, pousser, frapper, bref à présenter ce que les spécialistes appellent des « troubles du comportement». À un moment où une grande réforme des services de garde est dans l’air, les travaux de Sylvana Côté prennent une dimension presque politique. Elle en est consciente et n’a pas peur de plonger dans le débat. «Nos résultats montrent que parmi tous les types de services de garde offert au Québec, les CPE, et en particulier les CPE en installation, sont ceux qui offre la meilleure qualité. Il n’existe aucune justification pour freiner le développement de ce programme », affirme-t-elle. À son avis, la ministre de la Famille, Carole Théberge, a beaucoup parlé de budgets et de places disponibles en service de garde. Mais la question ne se limite pas à l’accès aux CPE, conteste Sylvana Côté. « On a besoin d’un système d’éducation préscolaire ou la qualité sera uniformément élevée. Il y a actuellement trop de disparités dans la qualité des services offerts à la petite enfance. Pourquoi pas, comme en France, la prématernelle à trois ans? » État de santé des CPE Elle a notamment co-signé, avec Richard Tremblay et Christa Japel, l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec concernant la qualité des services de garde. Cette étude avait fait grand bruit à sa sortie en août 2005, car elle révélait la faiblesse du réseau, notamment du côté des garderies privées. « Il y a trois types de centres de la petite enfance (CPE), résume-t-elle : en milieu familial, en centre et à but lucratif. Même s’il y a des exceptions dans chaque catégorie, nous avons souligné les faiblesses du réseau privé.» À la tête d’une équipe de cinq chercheurs (Michael Kramer, Michael Meaney et John Lydon, de l’Université McGill, et Jean Séguin de l’Université de Montréal), Sylvana Côté pourra développer davantage la question de l’influence des garderies sur le développement des enfants puisqu’elle vient de recevoir une subvention de 550 000$ des Instituts canadiens de recherche en santé (IRSC). Au cours des cinq prochaines années, quelque 800 jeunes seront suivis par les chercheurs pour tenter de comprendre les liens entre la santé mentale et le séjour plus ou moins prolongé en CPE. «L’étude inclura non seulement des données sur les jeunes, mais également sur leurs parents, explique-t-elle. Nous posséderons par exemple des détails sur l’état de santé de la mère durant la grossesse. Était-elle dépressive, alcoolique, fumeuse? Même des données biologiques seront pris en considération : poids du bébé à la naissance, complications, etc.» À l’issue de cette recherche sans équivalent au Canada, les chercheurs croient qu’ils pourront préciser les « risques familiaux » en matière de santé mentale lorsqu’il s’agit de confier ses enfants à des CPE. « Nous espérons obtenir la collaboration du plus grand nombre possible de centres, commente l’instigatrice principale. C’est important d’obtenir un bon échantillonnage pour que nos résultats soient plus représentatifs. » La recherche et l’argent Après des études aux universités McGill (baccalauréat), Laval (maitrise) et de Montréal (doctorat), elle complète en 2002 un post-doctorat à l’Université Canegie-Mellon de Pittsburgh. En 2003, elle entame officiellement sa carrière à l’Université de Montréal. Elle concède que la vie de jeune chercheur n’est pas de tout repos et qu’elle doit rogner sur ses nuits de sommeil pour arriver à produire à un rythme convenable. Mais le projet approuvé par les IRSC, auxquels participent également le Conseil de recherches en sciences humaines, la Fédération québécoise de la recherche en sciences sociales et le Canadian Psychiatric Foundation, est une excellente source de motivation. En plus de ses activités de recherche, elle donne deux cours dont Inadaptation à l’adolescence. Jusqu’où se rendent ses intérêts pour le développement? « En principe, je m’intéresse au développement de l’enfant, soit de l’âge zéro jusqu’à l’adolescence. Mais à force de creuser, j’ai dû m’intéresser aux conditions de l’accouchement, puis de la grossesse. Nous parlons maintenant de plus en plus des grossesses très précoces, soit à l’adolescence. C’est donc comme une grande boucle : de l’enfant qui devient adolescent et de l’adolescent qui devient parent ... » Mathieu-Robert Sauvé |
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