Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 21 - 6 mars 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Vous avez dit patrimoine bti?

La Chaire de recherche du Canada en patrimoine bti veut clarifier la notion de patrimoine et analyser les pratiques de conservation

Le Vieux-Qubec est reconnu comme patrimoine mondial par l'UNESCO.

Qu'est-ce qui fait partie du patrimoine? qui appartient-il? Qui doit payer pour sa prservation? Quelles sont les rgles de classification aux chelons national et international?

Voil quelques-unes des questions sur lesquelles se penchera la nouvelle Chaire de recherche du Canada en patrimoine bti, dont la titulaire est Christina Cameron, nouvelle recrue de l'cole d'architecture la Facult de l'amnagement.

En poste l'UdeM depuis l't dernier, Christina Cameron a t pendant 35 ans directrice gnrale des Lieux historiques nationaux Parcs Canada. Elle est galement chef de la dlgation canadienne au Comit du patrimoine mondial l'UNESCO depuis 16 ans et fait partie des 21 membres lus de ce comit charg de prendre les dcisions quant aux sites soumis la classification.

Sa passion pour l'architecture l'a mme conduite en prison! Parce qu'elle photographiait des difices du Vieux-Qubec en octobre 1970, elle a sembl suspecte aux yeux des policiers, qui l'ont incarcre pendant 24 heures.

Le patrimoine bti

Les travaux de la Chaire porteront sur cinq thmes principaux, soit la valorisation, l'appropriation, la sauvegarde, la sensibilisation et l'exploitation du patrimoine bti. Mais qu'entend-on exactement par patrimoine bti?

C'est un grand dbat et c'est l'objet de tout un champ de recherche, rpond la titulaire. La notion est volutive et c'est sur cette toile mouvante que devra oprer la Chaire.

Le sens de ce concept change dans la socit, poursuit la professeure. Il y a 30 ans, la notion tait plus musologique et s'appliquait des constructions se distinguant par de hautes qualits architecturales. Maintenant, la notion est plus culturelle et inclut des ensembles comme une rue, un quartier ou un paysage auxquels on applique l'approche du dveloppement durable.

Comme exemple de patrimoine bti valeur culturelle, Mme Cameron cite le boulevard Saint-Laurent, partir de la rue de la Commune jusqu' la rue Jean-Talon, dsign lieu historique par Parcs Canada. On peut y observer toutes les vagues successives d'immigration au Canada ainsi que les commerces et lieux culturels tablis par ces communauts d'origines ethniques varies, explique-t-elle.

Une telle classification est avant tout honorifique et ne donne aucun pouvoir Parcs Canada. Cela suscite tout de mme une prise de conscience chez les personnes concernes et stimule le dialogue sur ce qui doit tre conserv et sur les mesures prendre, indique Mme Cameron.

Au Qubec et au Canada, les systmes de classification relvent d'experts sans qu'il y ait ncessairement compensation financire de la part des gouvernements, mais ces systmes sont contests comme partout ailleurs dans le monde: Qui doit dfinir ce qu'est le patrimoine, qui en est propritaire, qui doit payer pour les avantages qu'en tire la population? demande la professeure.

Le dbat actuel sur le patrimoine religieux fournit un exemple des interrogations que soulve la notion de patrimoine. Ou encore celui relatif la conservation des silos grains du Vieux-Port de Montral. Pourquoi conserver des constructions que personne ne trouve attrayantes?

La question mrite d'tre pose, reconnait Mme Cameron. Il faut en discuter, se concerter, valuer en fonction de critres conomiques et environnementaux. Dans une perspective cologique, la rutilisation de ces btiments lui semble acceptable si l'on considre que 20 % des rebuts envoys aux dpotoirs sont des matriaux de construction.

Quant aux fonds publics qu'il faut allouer ou non un difice class, la professeure voudrait tout prix viter l'exemple de l'Australie. L-bas, le gouvernement doit payer l'entretien ou la restauration d'un difice lorsque celui-ci est class parmi le patrimoine national. C'est dramatique, dclare Christina Cameron. Aucun pays n'a jamais agi ainsi auparavant et cette obligation risque de freiner la classification, ce qui pourrait causer la perte de btiments patrimoniaux.

Patrimoine mondial

Mme le systme de classification du patrimoine mondial l'UNESCO serait en crise. Les quelque 800 sites dj classs sur la plante, dont 13 au Canada, ne lui semblent pas tous de valeur universelle exceptionnelle. La pression est forte pour classer des sites, dclare la chef de la dlgation canadienne, laissant voir que les dcisions sont parfois prises selon des considrations moins patrimoniales que politiques ou conomiques.

Le Qubec ne compte que deux sites dsigns patrimoine mondial, soit le parc national de Miguasha, dans la baie des Chaleurs, et le Vieux-Qubec. Le pouvoir de maintenir l'tat de conservation de ces sites appartient aux tats concerns, mais l'UNESCO peut exercer des pressions politiques si la prservation ne respecte pas les normes.

La chaire en patrimoine bti tudiera donc cette problmatique des diffrents critres nationaux et internationaux de classification. Un des axes touchera galement l'harmonisation de ces critres et aux pratiques de conservation. Il y a souvent un cart entre les principes et ce qui se passe sur le terrain, a not la titulaire. Sur un site archologique canadien class par Parcs Canada, par exemple, on a enfoui des conduites d'eau sans procder des relevs archologiques. Ailleurs, des employs d'entretien n'ont pas t sensibiliss l'importance de prserver des papiers peints dlicats dans une maison historique.

La Chaire ne sera officiellement inaugure que le 11 avril, mais sa premire activit sera tenue ds cette semaine. Une table ronde, rserve aux spcialistes, se droulera le 9 mars et aura pour thme le mmorandum de Vienne. Il s'agit d'un protocole sur l'intgration d'difices modernes dans un site patrimonial de Vienne, rsume Christina Cameron. Les participants auront dterminer s'il s'agit d'une solution applicable au Canada dans une perspective de conservation et de dveloppement ou si ce n'est qu'un simple compromis.

Daniel Baril

Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.