Volume 40 - numÉro 23 - 13 mars 2006 |
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capsule scienceLe virus mortel du porc menace-t-il la santé humaine?
Plus de 200 000 porcs sont morts en 2005 du syndrome de dépérissement postsevrage (SDPS), un mal incurable qui amène l’animal à cesser de s’alimenter au point où il en meurt. Cette nouvelle maladie causée par un virus peut-elle attaquer la santé humaine? «Non, le virus causant le SDPS ne franchit pas les barrières interespèces», répond sans hésiter Marcelo Gottschalk, directeur du Groupe de recherche sur les maladies infectieuses du porc (GREMIP), de la Faculté de médecine vétérinaire. Aucune indication ne porte à croire que le circovirus de type 2, associé au SDPS, puisse infecter l’être humain, confirme son collègue Carl Gagnon, professeur de virologie qui étudie ce syndrome depuis 2001. Le SDPS n’est pas une nouvelle maladie, rectifie le directeur du GREMIP. Dès 1991, le syndrome a été observé au Canada et le circovirus de type 2 n’a pas cessé depuis de s’étendre. «Actuellement, tous les élevages porcins sans exception sont infectés, mentionne le virologiste Carl Gagnon. Mais heureusement, les porcs n’en meurent pas tous.» S’il est essentiel à l’apparition de la maladie, le virus n’est pas seul en cause. Des facteurs environnementaux et biologiques jouent un rôle dans la manifestation des symptômes. Hélas, on ne sait pas lesquels exactement. «C’est une maladie multifactorielle», précise M. Gottschalk. La production industrielle du porc, la promiscuité des bêtes et leur pédigrée très semblable sont propices à la propagation d’épidémies. Pire maladie depuis 15 ans à frapper l’industrie, elle a ravagé huit pour cent de la production québécoise au cours de la dernière année. Au point où la Fédération des producteurs de porcs a demandé l’aide de l’État pour éponger les pertes. Dès les années 90, les pathologistes et vétérinaires rapportaient à l’occasion des cas mais rien d’alarmant. Le SDPS n’a pas causé de gros problèmes jusqu’à la fin de 2004. C’est en 2005 que la crise a alors éclaté. L’industrie québécoise du porc s’en remettra-t-elle? Sans aucun doute, estime Carl Gagnon. «L’apparition du syndrome respiratoire et reproducteur du porc, en 1990, a été catastrophique. Soudainement, les truies donnaient naissance à deux porcelets plutôt qu’à une douzaine. La mortalité était grande. Sur le coup, cela a été une tragédie. Mais peu à peu, les solutions sont apparues. Les populations ont développé une réponse immunitaire, on a mis au point des vaccins, on a modifié certains éléments de la gestion des fermes. Aujourd’hui, même si ce syndrome demeure préoccupant et peut être responsable de pertes économiques considérables, il est partiellement sous contrôle et l’on peut dire que l’industrie s’est adaptée du mieux qu’elle a pu.» Plusieurs hypothèses ont été évoquées pour expliquer l’apparition soudaine du SDPS. Le professeur Gagnon a été chargé par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec de se pencher sur la question et a pu analyser les pathogènes viraux qui occasionnent tant de dommages. «Nous avons découvert qu’une nouvelle souche du virus, possiblement plus virulente, était apparue sur le territoire. Il ne s’agit pas d’un génotype complètement nouveau, car il ressemble à des souches mises au jour en Asie et en Europe. Mais il est indiscutablement différent de celui qui était présent sur nos fermes en 2000 et qui était si peu virulent. C’est peut-être ce qui explique la mortalité croissante.» D’autres hypothèses sont à l’étude, notamment sur le profil génétique des populations de porcs d’élevage, un peu trop homogène et donc plus vulnérable aux épizooties. On pense aussi que d’autres agents infectieux, plus ou moins symptomatiques, pourraient favoriser le SDPS. La bonne nouvelle, c’est que des vaccins sont actuellement testés et pourraient venir sauver la mise. Dès les prochains mois, un vaccin de la compagnie Merial sera utilisé dans des élevages québécois. Si l’on n’a rien à craindre du SDPS sur la santé humaine, cela ne veut pas dire qu’aucun virus porcin ne parvient à franchir les barrières qui le séparent de l’être humain. «Des cas d’hépatite humaine transmise par un virus du porc ont été rapportés au Japon en 2004, commente Carl Gagnon. Il s’agit du virus de l’hépatite E porcine, présent chez les animaux d’élevage, même ici au Canada.» Le virologiste mange-t-il du porc? «Oui, mais je le fais cuire convenablement», répond-il en riant. Et les abats, populaires au Japon et dans certains pays asiatiques? «Non merci!» Mathieu-Robert Sauvé |
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