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Volume 40 - numÉro 24 - 20 mars 2006
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 Archives de Forum

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Michel Seymour, un philosophe de combat

 

Les Presses de l’Université de Montréal lançaient, le 2 mars, dans une nouvelle collection, le livre Profession philosophe, de Michel Seymour, professeur de philosophie et souverainiste militant, dans lequel l’auteur décrit sur un ton personnel ses préoccupations de philosophe engagé dans la cité.

Certes, aucun autre champ du savoir ne porte autant à controverse dans l’opinion. Reine des sciences pour les uns, inutile pour les autres, la philosophie ne fait pas l’unanimité dans les établissements scolaires et foisonne en écoles. Rien n’échappe à son regard englobant, y compris la question du rôle du philosophe dans la société.

«J’envisage la philosophie non comme une accumulation de savoirs, mais comme une entreprise normative, un combat pour des idées. Quand on conçoit son travail comme un combat, son engagement dans la cité devient une extension de son combat au sein de l’université», affirme le professeur de philosophie analytique à l’UdeM joint au téléphone.

Michel Seymour met à mal le préjugé tenace selon lequel les philosophes, enfermés dans leur tour d’ivoire, cantonnés dans leur domaine de surspécialisation et versés dans l’argutie qui rebute tant les non-initiés, ne vont pas expliquer leurs idées dans l’agora. Auteur de deux essais grand public sur le nationalisme, dont Le pari de la démesure à L’hexagone, il intervient régulièrement dans le débat constitutionnel en signant depuis plus d’une dizaine d’années des lettres d’opinion publiées dans les quotidiens.

«J’écris des articles afin de vulgariser mes positions théoriques. Il y a moyen de légitimer le nationalisme québécois; c’est une démarche honorable. Quand j’essaie de le faire, je touche les décideurs, les politiciens. Les députés du Parti québécois et du Bloc québécois lisent mes articles et, même s’ils sont en désaccord avec leur contenu, il en reste quelque chose», pense-t-il.

Sa réflexion et son action débordent le cadre de la question de l’indépendance du Québec. Son opuscule, dont le propos est de «répondre de diverses façons à la question de savoir comment se vit l’existence d’un philosophe dans la cité», illustre le combat théorique qu’il mène contre l’individualisme libéral nord-américain. Sa position, poursuit-il, est d’autant plus isolée qu’il pratique au Québec et en français la philosophie analytique, qui est délaissée par les étudiants d’ici et associée au monde anglo-américain.

Sans se définir en tant que «communautariste» – il se réclame plutôt du libéralisme politique de John Rawls –, il prône un équilibre qui préserve tant les droits et libertés individuels que ceux des collectivités. C’est d’ailleurs cette position, fragile, qui l’a amené à se porter en particulier à la défense des droits des peuples autochtones.

D’où lui vient cette «obsession communautaire», comme il aime à dire? «À l’âge de 16 ans, j’ai découvert Ainsi parlait Zarathoustra et une chose qui m’est restée de cette lecture est cette prophétie du prochain siècle, celle dans laquelle vivront les derniers hommes: qu’est-ce que l’histoire, qu’est-ce que la pratique? Tout cela n’est-il pas vain? Et Nietzsche de répondre d’un clignement d’œil complice. Cette vision prémonitoire, source d’individualisme, voire de nihilisme, m’apparait terriblement vraie aujourd’hui. Et nous devons nous la rappeler, à défaut de quoi ce sera une tragédie pour l’humanité, une perte énorme et angoissante.»

On est en droit de se demander si le repli sur soi qu’il fustige n’a pas également contaminé les intellectuels québécois et si notre société ne participe pas de cette peur du débat, de la parole réfléchie. «La société québécoise est encore à notre époque une société anti-intellectualiste, et les intellectuels lui rendent bien la pareille en la traitant avec un certain mépris», écrit-il. Mieux, ces mêmes intellectuels qui «snobent la petite communauté locale» privilégient le statu quo et sont «grassement payés en vivant de subventions».

Mais Michel Seymour se garde bien de faire la leçon. Le philosophe, insiste-t-il, n’est pas tenu de par sa pratique d’historien de la philosophie d’être interpellé par l’actualité et son engagement social, de relever du tempérament, de la manière individuelle dont il envisage sa profession.

Kim Soo Landry
Collaboration spéciale

Michel Seymour, Profession philosophe, Les Presses de l’Université de Montréal, 2006, 68 pages.

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