Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 26 - 3 avril 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Les chercheurs du Québec sortent de leur tour d’ivoire

Des centaines de personnes ont consulté le site de l’ACPQ depuis son lancement en décembre

Edward Bradley

Les chercheurs peuvent désormais faire appel à un nouveau regroupement pour défendre leurs droits, l’Association des chercheurs professionnels du Québec (ACPQ).

Officiellement fondée en mars 2004, l’ACPQ a pris son véritable envol en décembre dernier, avec la création de son site Internet, auquel on peut accéder à l’adresse <www.acpq.ca>. Ce site comprend une foule de renseignements sur la création de cette association professionnelle et sur les orientations stratégiques traduisant la mission de l’ACPQ. Signe d’un besoin grandissant, il a été visité par des centaines de personnes au cours des derniers mois.

«Première association du genre au Canada, l’ACPQ, qui regroupe des professeurs et des chercheurs d’un peu partout dans la province, est un organisme à but non lucratif voué à la défense des intérêts des chercheurs à tous les stades de leur carrière, explique Edward Bradley, l’un des chefs de file du mouvement. Nous nous intéressons à toutes les questions de l’heure associées au domaine de la recherche, notamment à la précarité du statut de chercheur professionnel, à son identité et à son rôle, à la propriété intellectuelle et, bien sûr, à la relève.»

Un chercheur qui ose se mêler de politique

Depuis 25 ans, M. Bradley consacre sa vie à la recherche de traitements pour enrayer les maladies cancéreuses des cellules, des tissus et des organes du corps humain. Edward Bradley est oncologue à l’hôpital Notre-Dame et professeur à la Faculté de médecine de l’UdeM. Ses recherches ont permis de faire un pas important dans le traitement du cancer du poumon. Avec deux chercheurs, Benoît Houle, aussi de l’hôpital Notre-Dame, et Cécile Rochette-Egly, de Strasbourg, il a en effet réussi à supprimer le caractère cancéreux de cellules pulmonaires par l’insertion, dans les cellules malades, d’un gène lié au métabolisme de la vitamine A. Une première mondiale!

C’est dire combien ce scientifique a d’autres chats à fouetter que de marcher dans la rue comme l’ont fait ses homologues français en 2003 pour intervenir auprès des administrations institutionnelles, des organismes subventionnaires et des instances gouvernementales. Mais la marmite bouillonnait depuis quelques années. Le Dr Bradley a donc marqué une pause pour fonder l’ACPQ avec deux collègues, Claude Côté, ancien chercheur d’université, et Michel J. Tremblay, professeur de médecine à l’Université Laval.

«Nous déplorons l’insuffisance actuelle des subventions gouvernementales», affirme le professeur Bradley, en soulignant que, face aux mêmes difficultés financières, d’autres pays comme la Finlande, l’Irlande et le Japon ont plutôt choisi d’augmenter leurs dépenses de recherche. «Les États-Unis ont adopté des mesures plus vigoureuses encore, dit le chercheur. À ce rythme-là, nous parviendrons difficilement à soutenir la compétition internationale. Sans compter que nos étudiants et postdoctorants, découragés, pourraient bien offrir leur matière grise, formée aux frais du contribuable québécois, à l’étranger ou encore aller travailler pour l’industrie et délaisser la recherche fondamentale!»

À en croire Edward Bradley, les gouvernements sont plus prompts à réduire les budgets de la recherche que ceux de la santé. «Ils ne semblent pas penser que la recherche fondamentale joue un rôle essentiel dans notre société», estime l’oncologue, qui rappelle que les découvertes de Copernic et d’Einstein n’avaient aucune utilité au moment où elles ont été faites.

La création de l’ACPQ marque-t-elle un temps nouveau pour les chercheurs, plus habitués à être enfermés dans leur tour d’ivoire? «Il est vrai que les scientifiques en général n’ont pas le réflexe de communiquer au-delà de leurs cercles restreints, un réflexe qu’ont cependant acquis depuis longtemps les syndicats ouvriers, les enseignants ou les artistes, admet M. Bradley. Mais sans la participation active et directe du chercheur professionnel, la population serait privée d’un interlocuteur privilégié et d’un guide tout désigné pour éclairer un nombre infini de choix fort complexes que les Québécois sont appelés à faire dans leur quotidien. Si d’autres professionnels se sont réunis pour mieux débattre leurs droits, pourquoi pas nous?»

Les chercheurs désireux de devenir membres de l’ACPQ sont invités à visiter son site.

Dominique Nancy

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