Volume 40 - numÉro 26 - 3 avril 2006 |
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Un chercheur du type aventurier à l’assaut du cancerS’attaquer aux cellules tumorales en bloquant leurs mécanismes de réparation de l’ADN, c’est l’ambition d’une nouvelle approche thérapeutique des cancers et le défi qu’entend relever Alain Verreault
Si la chimiothérapie constitue le moyen le plus efficace de traiter le cancer, ses effets secondaires ne se limitent pas aux nausées, à la fatigue et à la perte des cheveux. Dans certains cas, ils peuvent s’avérer beaucoup plus graves. «Il y a de nombreux agents de chimiothérapie utilisés pour le traitement du cancer qui causent des dommages à l’ADN, signale Alain Verreault. Résultat? Les patients, guéris de leur cancer, font souvent une rechute après la fin du traitement. La maladie est alors plus aigüe et il n’y a souvent plus moyen de la traiter», explique ce spécialiste des chromosomes. On voit bien, dans un tel contexte, l’intérêt d’une nouvelle approche pour guérir ce mal qui tue plus de 37 000 personnes par an au Québec seulement. Et c’est justement ce que propose M. Verreault, qui vient de se voir attribuer une chaire de recherche sénior dotée d’un fonds de un million de dollars sur cinq ans. Âgé de 39 ans, le chercheur a frappé un grand coup, en juin 2005, en faisant connaitre dans Nature une toute nouvelle façon d’accéder à la structure des chromosomes et permettant ainsi de réparer plus facilement l’ADN. «On a réussi à mettre au jour un mécanisme qui permet aux cellules de reconstituer l’ADN et de survivre à la thérapie, affirme Alain Verreault. Plus précisément, on a démontré que les modifications des histones dans le chemin d’assemblage de la chromatine jouent un rôle essentiel dans la réparation de l’ADN.» Ce qui est fascinant, c’est que cette percée majeure a été réalisée à partir de l’une des plus primitives protéines que nous ayons au cœur de nos cellules: Saccharomyces cerevisiae, plus connue sous le nom de «levure du boulanger». «C’est la levure dont on se sert pour faire du pain! Nous, on l’emploie comme organisme modèle, car il existe un lien évolutif entre cette levure et l’être humain», souligne le chercheur. Ses travaux, qui ont été l’objet de publications en 2003 et 2005 dans les prestigieuses revues Nature et Cell, ouvrent de nouvelles avenues dans le traitement du cancer. Un intérêt soutenu pour les chromosomesC’est l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie (IRIC) qui a convaincu ce titulaire d’un doctorat en biochimie de l’Université de Cambridge, originaire de la Gaspésie, de dire adieu au Cancer Research UK, qui lui avait pourtant offert d’excellentes conditions de travail, et de poursuivre ici sa carrière scientifique. Aujourd’hui chercheur principal à l’IRIC et professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Alain Verreault tente de valider les résultats de sa récente découverte faite sur la levure à partir de cellules humaines. Il publiera prochainement dans le journal Molecular Cell d’autres données intéressantes sur le processus d’assemblage des chromosomes. Le titulaire de la Chaire en biogenèse de chromosomes et intégrité génomique, la 10e chaire accordée à l’IRIC, est loin de correspondre à l’image populaire du scientifique, vu par le public généralement comme un vieux à lunettes, au crâne dégarni et vêtu d’une blouse blanche de laboratoire. Avec ses jeans et ses 6 pi 4 po, il a plutôt l’air d’un joueur de football. «Je me considère davantage comme un aventurier, car il y a peu de chercheurs qui s’intéressent particulièrement aux mécanismes d’assemblage des chromosomes», mentionne modestement Alain Verreault, dont le laboratoire est l’un des cinq centres de recherche dans le monde spécialisés dans ce domaine névralgique de la biologie cellulaire et moléculaire. L’ensemble de sa formation est d’ailleurs marqué par un intérêt soutenu pour les chromosomes, comme il l’indique sur son site: «J’ai particulièrement étudié l’assemblage afin de mieux comprendre les mécanismes d’emballement de l’ADN sous forme de chromosomes durant la phase S du cycle cellulaire, et je me suis aussi intéressé aux fonctions biologiques sur lesquelles elle peut avoir un impact. Mes travaux m’ont permis de vérifier que l’assemblage de nucléosomes joue un rôle important dans le maintien de la stabilité génomique.» De retour au bercailLauréat de plusieurs bourses d’excellence, notamment du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et des Instituts de recherche en santé du Canada, Alain Verreault a passé les 15 dernières années à l’étranger, plus précisément au Royaume-Uni et aux États-Unis. Après un baccalauréat en biochimie obtenu à l’Université Laval, il a fait un doctorat à Cambridge, suivi d’un stage postdoctoral au Cold Spring Harbor Laboratory, à New York. Le professeur Verreault a joint, à l’automne 2005, l’équipe de l’IRIC, où il poursuit ses recherches de nature fondamentale sur la chromatine. Le biochimiste s’attend à trouver des applications cliniques intéressantes, comme dans le cas de ses travaux sur les modifications des histones qui influencent la réponse aux agents chimiothérapeutiques utilisés dans le traitement du cancer. Quand Alain Verreault a appris qu’il allait occuper un poste à l’IRIC (et obtenir la chaire sénior qui l’accompagne), il reconnait avoir eu pendant plusieurs jours de la difficulté à se concentrer. «Même si mes recherches allaient bon train, j’avais vraiment envie de revenir au Québec, confie-t-il. L’IRIC m’offre une occasion unique de bâtir un laboratoire avec des bases solides et j’envisage de fructueuses collaborations avec mes nouveaux collègues, qui partagent ma passion pour la recherche.» Dominique Nancy |
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