Volume 40 - numÉro 28 - 18 avril 2006 |
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Le modèle britannique au-delà des apparencesL’effet des partenariats public-privé reste méconnu
Les couts réels des partenariats public-privé (PPP) en Angleterre restent pour l’heure méconnus, note Jill Rubery, spécialiste britannique des marchés du travail. En effet, même si l’Angleterre est la meneuse du monde occidental pour ce qui est des PPP, il reste encore, à son avis, beaucoup de zones d’ombre quant à leur incidence à long terme. Au Québec, les PPP sont aussi l’objet d’un intérêt particulier depuis que le gouvernement de Jean Charest a fait part de son intention d’y recourir pour mener à bien la construction des centres hospitaliers universitaires. Généralement, les PPP prennent la forme de contrats de longue durée, faisant appel aux compétences des deux secteurs. L’Angleterre y a largement fait appel pour le développement et la mise à niveau d’infrastructures diverses, notamment celles d’hôpitaux. Devant un groupe d’étudiants en relations industrielles, Jill Rubery a livré ce témoignage le 7 avril: «Un nouvel hôpital a vu le jour récemment selon un modèle de partenariat public-privé. Or, les entrepreneurs du secteur privé ont réduit le nombre de lits initialement prévus, ce qui n’est pas nécessairement une bonne nouvelle.» Comme c’est souvent le cas dans ce type d’entente, le secteur privé est propriétaire de l’immeuble, ce qui signifie que le gouvernement n’a pas automatiquement à augmenter sa dette pour la construction, mais il devra cependant verser un loyer pour de longues années à venir. Mme Rubery ne condamne toutefois pas en bloc les PPP. Elle rapporte que les syndicats ont appris de ces projets et si, à une certaine époque, il existait des différences dans les salaires entre des personnes accomplissant le même genre de travail sur un même lieu, aujourd’hui, les syndicats recherchent une certaine uniformité salariale, qui n’est pas forcément celle de la plus basse rétribution. Jill Rubery, qui était l’invitée du Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail, dirigé par Greg Murray, enseigne les systèmes comparés de l’emploi à l’Université Manchester et agit comme conseillère auprès de la Communauté européenne en ce qui a trait aux questions sur les femmes et les marchés du travail. Démocratisation de l’éducationSi elle a volontiers répondu aux questions sur les PPP, la chercheuse a tout de même situé son propos dans un contexte beaucoup plus large en brossant un tableau des hauts et des bas du modèle britannique. D’entrée de jeu, Mme Rubery a mis une chose au clair: le modèle britannique n’a que peu à voir avec les États-Unis. Si son pays possède une des économies les plus ouvertes parmi les pays industrialisés, le filet social fort auquel tient le gouvernement de Tony Blair l’éloigne décidément beaucoup des États-Unis. «L’augmentation des dépenses liées à la santé et à l’éducation fait ressortir des différences importantes entre les États-Unis et la Grande-Bretagne», a souligné Mme Rubery. Dans le secteur de l’éducation, l’absence de financement avait caractérisé le règne de Margaret Thatcher, tant et si bien que les bâtiments scolaires tombaient en décrépitude. Mme Rubery se souvient d’avoir participé à des réunions de parents lorsque sa fille était à l’école primaire pour obtenir qu’on répare le toit de la classe qui coulait! Les investissements qu’effectuèrent les travaillistes de Tony Blair ultérieurement furent donc les bienvenus. Mais le gouvernement investit également dans l’éducation postsecondaire, qui s’est, selon Mme Rubery, grandement démocratisée au cours des 10 dernières années. «L’effet Oxford et Cambridge demeureront, bien entendu, mais il y a eu, sous les travaillistes, un accroissement considérable du nombre d’étudiants inscrits à l’université.» Il faudra voir, poursuit Mme Rubery, si le plafond imposé relativement aux droits de scolarité tiendra le coup. Elle en doute. L’arrivée d’une nouvelle génération à l’université a eu pour effet d’augmenter la main-d’œuvre diplômée du pays. Ces jeunes trouvent généralement du travail, mais le plus souvent dans un domaine autre que celui dans lequel ils sont qualifiés. Plutôt que de s’en alarmer, Mme Rubery estime que ces diplômés en viendront peut-être à transformer éventuellement leurs emplois et, ainsi, le marché. Un secteur public en expansionContrairement à ce que plusieurs croient, la bonne santé économique de l’Angleterre est en grande partie due aux dépenses dans le secteur public. Mme Rubery a elle-même été étonnée de ce développement et n’avait pas prévu que la branche industrielle allait perdre à ce point des plumes. Dans les années 90, le secteur public fournissait 21% des emplois britanniques. En 2004, ce pourcentage grimpait à 26%. Mais ces investissements ne sauraient expliquer à eux seuls le relatif succès du modèle britannique. Mme Rubery a rappelé que la Grande-Bretagne est depuis longtemps caractérisée par une économie tournée vers l’extérieur, de sorte qu’elle a bien tiré son épingle du jeu dans un contexte de mondialisation. On pense ici aux secteurs des finances et des médias. Cela dit, rien n’est parfait et les Anglais sont très endettés. Plus de la moitié des cartes de crédit en Europe appartiennent à des Anglais. Des scandales ont aussi marqué le passé, dont celui de la mauvaise gestion des régimes privés de pension. De plus, personne n’a oublié le désastre de la privatisation des chemins de fer, qui a entrainé une détérioration du service, causant des accidents mortels. Bref, tout n’est pas sans défaut, mais Mme Rubery estime que le règne de Tony Blair a fait beaucoup de bien à la société britannique. Paule des Rivières |
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