Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 29 - 1er mai 2006
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 Archives de Forum

capsule science

Faut-il craindre une guerre nucléaire?

Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a annoncé le 11 avril dernier que l’Iran avait «rejoint le club des pays disposant de la technologie nucléaire». Outrés, les États-Unis ont déclaré que l’Iran devait suspendre immédiatement son programme nucléaire. «Toutes les options sont sur la table », a affirmé le vice-président américain, Dick Cheney, laissant entendre que l’armée pourrait intervenir.

Sommes-nous plus proches que jamais d’un premier conflit nucléaire depuis 1945? «Plus il y a de doigts sur la gâchette, plus il y a de risques qu’un des doigts glisse», répond Michel Fortmann, professeur au Département de science politique et fondateur du Groupe d’étude et de recherche sur la sécurité internationale. Il y a cinq puissances nucléaires déclarées dans le monde: les États-Unis, la Russie, la France, la Chine et l’Angleterre. Israël, officiellement, ne fait pas partie du groupe, mais c’est un secret de Polichinelle qu’elle possède un arsenal nucléaire. À ces nations se sont ajoutés récemment le Pakistan et l’Inde, sans parler de l’Iran et de la Corée du Nord. «Il faut aussi tenir compte d’une quarantaine de pays qu’on peut appeler des puissances nucléaires virtuelles, en ce sens qu’elles maitrisent les technologies requises pour fabriquer des armes nucléaires», explique M. Fortmann.

Le Japon, par exemple, possède plusieurs milliers de tonnes de combustible qui pourraient être utilisées à cette fin. Quand on pense que de 8 à 15 kg de matière fissile suffisent pour armer une bombe... «Les armes atomiques sont déjà en place et plusieurs sont pointées vers les principales agglomérations du globe. En moins de 30 minutes, une ville complète peut être rayée de la carte si l’ordre est donné à Washington, Moscou ou ailleurs», mentionne le spécialiste.

Cela arrivera-t-il? «Tout dépend des tensions politiques.» À son avis, les États-Unis et l’Iran se livrent actuellement à un jeu d’intimidation qui peut se comparer à une confrontation entre deux conducteurs téméraires, assis dans leur voiture roulant l’une vers l’autre à toute vitesse. L’un des conducteurs veut montrer qu’il est le plus brave et garder le cap, forçant l’autre à braquer au dernier moment.

Mais l’armement nucléaire n’est pas un jouet. Compte tenu des alliances entre blocs géopolitiques et religieux, pourrions-nous assister à un conflit international qui menacerait l’humanité? «Il ne faut pas s’alarmer inutilement, tempère le professeur Fortmann, qui suit l’évolution du dossier nucléaire depuis plusieurs années. La technologie nécessaire pour mettre sur pied un arsenal stratégique est très complexe et très couteuse. L’Iran ne la possèdera sans doute pas avant longtemps. À qui profiterait une guerre qui causerait des dommages majeurs dans les rangs des protagonistes?»

Jocelyn Coulon, chercheur invité au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, est lui aussi plutôt optimiste, malgré les inquiétudes soulevées par la partie de bras de fer entre Téhéran et Washington. «La situation est tendue, c’est vrai. Mais même le président iranien ne veut pas sacrifier sa population dans un holocauste nucléaire. Ce que l’Iran désire, en fait, c’est la même chose que l’Inde ou le Pakistan avant lui: obtenir la bombe pour obtenir du pouvoir sur la scène internationale, mais pas dans le but d’en faire usage...»

Chose certaine, la période de désarmement est bel et bien derrière nous. Jusqu’en 1995, on a beaucoup parlé de traités de non-prolifération de l’armement nucléaire et de dénucléarisation des arsenaux. Certaines ogives ont même été désamorcées afin de permettre la récupération de la matière radioactive pour alimenter les centrales électriques. Fausse impression de sécurité. «Les médias ont moins parlé de nucléaire mais, dans les faits, on assiste à une augmentation de l’armement», signale M. Fortmann.

Selon lui, la planète est aujourd’hui si lourdement armée en ogives nucléaires pointées sur des cibles stratégiques que des erreurs bêtes pourraient être à l’origine de terribles bavures. On a d’ailleurs frôlé la catastrophe à quelques occasions. Par exemple, en 1995, une sonde météorologique norvégienne a été prise par les radars russes pour un engin nucléaire et, n’eût été la vigilance d’un technicien russe, Boris Eltsine aurait pu donner l’ordre de riposter. On imagine d’ici les conséquences...

Plus de bombes = plus de sécurité. C’est l’équation que font plusieurs observateurs. D’autres voient plutôt dans la situation politique une bombe à retardement.

Mathieu-Robert Sauvé

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