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Existe-t-il des preuves scientifiques de la télépathie?

Les expériences en télépathie ganzfeld se font dans un environnement sensoriel neutre.

Les scientifiques ont sans doute été étonnés d’apprendre, l’hiver dernier, que «dorénavant et officiellement, pour la science, la télépathie existe». «Elle n’est plus à démontrer: elle est un fait!» C’est du moins ce qu’affirme la psychologue Danielle Fecteau dans son volume Télépathie: l’ultime communication (Éditions de l’Homme, 2005).

«Pour paraphraser un slogan bien connu, “si ça existait, on le saurait”», rétorque Serge Larivée, professeur à l’École de psychoéducation, dans le dernier numéro de la Revue de psychoéducation (vol. 35, no 1), où il signe, avec le psychologue François Filiatrault, une critique de ce volume.

Fusionner avec les lions

Selon Danielle Fecteau, également auteure de L’effet placebo: le pouvoir de guérir et de romans de parapsychologie, les êtres humains sont en communication télépathique non seulement entre eux mais également avec les morts, les animaux, les insectes, les plantes et l’eau. C’est également par télépathie que les enfants acquièrent le langage et que les macaques du Japon ont appris à laver les pommes de terre avant de les manger. Dans ce dernier cas, la télépathie est «la seule hypothèse valable qui ait été avancée» pour expliquer le phénomène.

La télépathie est «totalement en accord avec les nouvelles théories de la physique», affirme encore l’auteure. On peut aussi diagnostiquer, transmettre et guérir des maladies par télépathie: c’est la «télésomatique».

Ces affirmations ont tellement étonné Serge Larivée qu’il a tenu à vérifier les sources de l’auteure. «L’ouvrage est truffé d’anecdotes et de témoignages favorables à la télépathie, mais ce type d’arguments n’a aucune valeur sur le plan scientifique, déclare-t-il. Si le processus de transmission de pensées et d’états d’âme est réel, son existence invalide la presque totalité des recherches en psychologie expérimentale, en sociologie, en anthropologie et en biologie.»

Comme exemple d’anecdote mentionnée telle une preuve à l’appui, il y a le cas d’un homme qui a soudainement ressenti une douleur à la poitrine au milieu de la nuit et qui a appris par la suite que son père était décédé d’un infarctus. Autre fait convaincant: un lion a fusionné avec un chaman pour lui transmettre des images de ce qu’il ressent lorsqu’il attaque un autre animal!

Ignorance ou fraude?

Danielle Fecteau s’en remet à au moins une étude scientifique, une méta-analyse du psychologue Ray Hyman, connu pour ses travaux critiques sur la parapsychologie. Selon ce qu’elle relate sans citer l’auteur, cette méta-analyse aurait amené le psychologue à conclure que «les résultats ne pouvaient que confirmer l’existence de la communication télépathique».

Serge Larivée cite pour sa part plusieurs passages de l’étude en question qui contredisent radicalement ce qu’en dit Danielle Fecteau. Voici les conclusions de Ray Hyman: «Les données qui découlent de ces études sont trop faibles pour établir l’existence des phénomènes paranormaux»; et «Il ne fait pour moi plus de doute que les résultats des études parapsychologiques [de transmission télépathique ganzfeld] ne peuvent étayer la thèse de l’étude reproductible ni prouver l’existence du paranormal».

Que Mme Fecteau ait à ce point faussé les conclusions de Ray Hyman constitue un manque de probité intellectuelle inacceptable aux yeux de Serge Larivée. Les deux auteurs de la recension posent la question: «Distraction, ignorance, mauvaise foi ou fraude?»

La psychologue se base par ailleurs sur les travaux de Joseph Banks Rhine, considéré comme le père de la parapsychologie, mais sans mentionner les impostures dont lui et son successeur se sont avérés coupables.

MM. Larivée et Filiatrault ne manquent pas de décocher quelques flèches aux médias qui ont accueilli avec complaisance et crédulité les «affirmations grotesques de l’essayiste». Au premier chef, la chronique santé de Carole Vallière, qui en a fait une critique fort élogieuse dans Le Devoir. «Voilà un auteur qui utilise les outils de la science pour vaincre les préjugés scientifiques. Tout y est documenté par des docteurs et des chercheurs, tout y est filtré par des sceptiques et ce que Danielle Fecteau écrit est à l’épreuve des balles.»

Mais pas à l’épreuve des sceptiques. Serge Larivée et François Filiatrault se plaisent à rappeler, en terminant, que la somme de un million de dollars américains sera versée à quiconque fera la démonstration convaincante de l’existence d’un phénomène paranormal.

Daniel Baril