Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 1 - 28 août 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Andrée Lemieux tire sa révérence

Andrée Lemieux quitte l’Université après une carrière consacrée à faire connaitre les arts

Andrée Lemieux a toujours aimé transmettre des connaissances aux étudiants. Car le Centre d’exposition, se plait-elle à souligner, est un excellent lieu de formation.

Andrée Lemieux vient de clore une carrière de plus de 30 ans à l’Université, dont 9 comme directrice du centre d’exposition de l’établissement. Nous nous rencontrons pour faire le bilan du travail qu’elle y a accompli. Mais cette femme calme, rieuse et déterminée est davantage habituée à braquer les projecteurs sur d’autres personnes.

«Je préfèrerais parler de Danielle Lagacé, dont les œuvres seront exposées cet automne au Centre d’exposition de l’Université.» Ainsi est Andrée Lemieux, modeste. Et amoureuse des arts. Mais l’historienne de l’art et muséologue est également une «développeuse» puisqu’on lui doit la mise sur pied du Centre d’exposition, qu’elle a dirigé avec un doigté de politicienne, prête à monter au front pour défendre sa «création» lorsqu’il s’en trouvait pour s’interroger sur la pertinence d’un tel centre.

Le Centre d’exposition, installé à la Faculté de l’aménagement, présente quatre ou cinq expositions par année. Audacieuse, sa directrice a souvent manifesté une grande originalité dans le choix des œuvres montrées et les visiteurs ont eu droit à une très large palette artistique. En 2001, une exposition virtuelle sur le classement des objets fut primée à la fois par la Société des musées québécois et par le Marché international du multimédia.

«Le Centre a gagné de nombreux prix grâce au dévouement sans faille d’Andrée et surtout grâce à son amour de la beauté. Chacune des expositions qu’elle a coordonnées était non seulement intéressante mais agréable à voir», signale Irène Cinq-Mars, professeure à la Faculté de l’aménagement et, jusqu’à l’an dernier, doyenne de la Faculté.

«Ce qui est remarquable avec Andrée, souligne pour sa part Guy Berthiaume, vice-recteur au développement et aux relations avec les diplômés, c’est de sentir la reconnaissance et l’appréciation que lui témoigne le milieu de la muséologie. Et cela s’est traduit de manière concrète à plusieurs reprises. Par exemple, elle a pu emprunter des œuvres remarquables dans les grands musées pour compléter des expositions.

«Elle a pu également faire circuler des pièces des collections de l’Université. Ainsi, notre Riopelle, Composition, fait partie de l’exposition majeure sur l’œuvre de ce peintre qui se tiendra au Musée Cantini d’art moderne de Marseille à compter de novembre. De la même façon, notre grand vase de Beauvais sera admiré à l’exposition sur le design qui s’ouvre prochainement au Musée des beaux-arts de Montréal.»

La réputation d’Andrée Lemieux, poursuit M. Berthiaume, a maintes fois rassuré des donateurs qui savaient qu’en offrant une œuvre à l’Université cette œuvre serait conservée dans des conditions optimales.

Un lieu de formation

Pour Mme Lemieux, le Centre est avant tout un lieu unique de formation. «Presque toute l’organisation des expositions est confiée à des étudiants, qui reçoivent une formation de type tutorat. Les professeurs agissent comme conservateurs, experts et guides», explique-t-elle.

Ainsi, pour l’exposition Trois fois passera, de Danielle Lagacé, qui s’ouvre le 30 août et se penche sur l’identité des femmes, Mme Lemieux a fait appel à Denyse Roy, professeure à l’École de design industriel. Les deux femmes ont assuré le commissariat de l’exposition et produit un opuscule pour la jeune artiste. Un étudiant à la maitrise de Mme Roy, Sébastien Proulx, en a réalisé le design graphique.

Andrée Lemieux elle-même a eu un coup de cœur pour les œuvres de cette artiste, qu’elle a découverte à Val-David. «Il s’agit d’un projet qui sort des normes et qui devrait intéresser les gens qui cherchent», résume-t-elle.

La femme qui cherche

Cette observation s’applique sans aucun doute à Andrée Lemieux qui, à 57 ans, dit quitter l’Université pour mieux chercher. «J’ai des choses à découvrir. J’ai envie de m’arrêter et de me demander quel sera mon moteur pour les 15 prochaines années.»

Mme Lemieux est entrée à l’Université en 1974, à titre de responsable du cinéma au Service des affaires culturelles. Elle était titulaire d’un baccalauréat en histoire de l’art et, lorsque le département responsable de ce programme a implanté une maitrise en muséologie, elle n’a pu résister. Elle a eu l’heureuse idée d’effectuer son travail sur les collections de l’Université, aussi riches que méconnues. De sorte que, quand on lui a demandé de mettre sur pied un centre d’exposition, elle connaissait – et aimait – déjà le patrimoine artistique et scientifique de l’UdeM. Le Centre met en valeur les 11 collections de l’établissement, des tableaux mais aussi des objets ethnographiques, des instruments d’optométrie, etc. Depuis 2001, le Centre assure aussi la gestion des collections, comme un musée.

«J’ai eu beaucoup de belles surprises. Ainsi, en 1992, j’ai préparé une exposition sur l’herbier Marie-Victorin avec le conservateur Luc Brouillet. L’exposition, initialement au Jardin botanique, est devenue itinérante et s’est arrêtée dans plusieurs villes. Nous avons aussi produit à cette époque un des premiers cédéroms interactifs au Québec», se rappelle Andrée Lemieux.

Une passion durable

L’attachement d’Andrée Lemieux au Centre d’exposition ne disparaitra pas comme par magie. Elle reste aux aguets, dans l’attente d’un éventuel donateur prêt à faire un don majeur au Centre. «Nous avons délibérément choisi un nom neutre pour ce centre parce que nous sommes en attente de paternité», indique-t-elle en appelant de tous ses vœux le don majeur qui garantirait une longue vie au Centre. «J’ai mis un bébé au monde. C’est aujourd’hui un bel enfant et j’espère qu’il aura une longue et belle existence.» Inquiète? Un brin, car les budgets sont minces et le personnel insuffisant.

Au cours de l’année qui débute, la direction du Centre sera assumée par Guy Berthiaume. La muséologue Louise Grenier occupera les fonctions de conservatrice, secondée par Anik Larose.

Pour sa part, Andrée Lemieux compte ralentir le tempo, parfois effréné, qui fut le sien: «J’ai envie d’aller moins vite, de travailler avec de nouvelles personnes et d’approfondir mes amitiés.»

Son esprit reste ouvert. Mais elle sait qu’elle aimerait beaucoup travailler avec ou pour des étudiants qu’elle a contribué à former il y a quelques années.

«Transmettre des connaissances est un aspect de ma tâche qui m’a beaucoup plu. Et, en cela, au Centre, nous sommes un beau complément aux facultés», dit-elle.

Mais ne cherchez pas Andrée Lemieux au cours des prochaines semaines. «Je m’en vais voir la mer.»

Paule des Rivières

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