Volume 41 - numÉro 2 - 5 septembre 2006
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Les cycles solaires ont un effet sur le climatL’effet de serre ne serait pas la seule cause du réchauffement climatique, selon Paul Charbonneau
On a peut-être disculpé un peu trop rapidement le Soleil dans les facteurs potentiels du réchauffement climatique. Sans vouloir donner raison aux adversaires du protocole de Kyoto, Paul Charbonneau, professeur au Département de physique, croit que l’astre du jour peut nous jouer de vilains tours. «Je serais extrêmement surpris si l’augmentation du gaz carbonique dans l’atmosphère n’était pour rien dans le réchauffement climatique, mais on ne peut pas dire non plus que le Soleil n’ait rien à y voir. Il est possible que l’ensemble des phénomènes de la haute atmosphère qui ont un effet sur le climat soient touchés par l’activité solaire», affirme le physicien. Le spécialiste de l’activité solaire défendait son point de vue en mai dernier devant des climatologues réunis au congrès de l’ACFAS. Étoile variable«Le Soleil est une étoile variable, explique le professeur, ce qui veut dire que l’intensité de son activité n’est pas toujours la même et que sa luminosité varie d’autant.» Les variations de la luminosité sont dues à des «taches sombres». Contrairement à l’impression donnée par les photos de l’astre, il ne s’agit pas de trous mais de zones moins chaudes dont la température atteint 3700 °C alors qu’elle est de 6000 °C sur le reste de la surface. Ces zones émettent donc moins de lumière, ce qui les fait paraitre sombres. «Ces taches sont produites par des champs magnétiques de 10 000 à 20 000 fois plus intenses que le champ magnétique terrestre, poursuit Paul Charbonneau. Elles ralentissent le transport de l’énergie provenant des couches profondes du Soleil.» Leur durée de vie peut aller de quelques heures à plus d’un mois. Leur nombre varie également pour atteindre un maximum tous les 11 ans environ. Curieusement, ce sommet est associé à une plus forte luminosité. «C’est parce que les champs magnétiques entrainent une diminution de la densité de l’atmosphère du Soleil, ce qui permet à la lumière de s’échapper plus facilement, explique le professeur. De plus, en se désintégrant, les taches sombres produisent des structures plus petites mais plus brillantes que l’ensemble de la surface et qui peuvent atteindre de 7 à 8000 °C». Effet sur le climat?Cette fluctuation de l’activité solaire peut-elle agir sur le climat? La variation de la luminosité provoquée par ce cycle n’est que de 0,1% sur Terre. Ce taux est jugé trop faible pour influencer directement le climat et c’est ce qui a fait dire à certains que l’activité solaire n’était pas en cause dans le réchauffement climatique.
Mais, selon Paul Charbonneau, ce jugement serait trop hâtif. «Les taches solaires ne sont qu’une des manifestations de l’activité solaire, souligne-t-il. Il faut tenir compte des autres phénomènes comme les éruptions et le rayonnement. L’augmentation du nombre de taches est associée à une hausse des éruptions, qui émettent des milliards de tonnes de plasma influant sur la chimie de la haute atmosphère. C’est ce qui crée les aurores boréales et perturbe les communications satellites. Les émissions d’ultraviolets et de rayons X ont quant à elles un effet direct sur la couche d’ozone et même une faible variation de leur proportion peut avoir une incidence. Certains chercheurs soutiennent que l’ensemble des rayons cosmiques pourrait aussi avoir un effet sur la production de nuages.» La haute atmosphère est la zone située au-delà de 20 km d’altitude, alors que les observations des climatologues portent sur les phénomènes de la basse atmosphère, qui se produisent à une altitude de 10 à 12 km. «Il y a un trou entre les deux et l’on ne sait pas quelles répercussions les éléments de la haute atmosphère peuvent avoir sur les phénomènes climatiques. Il est possible que l’ensemble des réactions qui s’y produisent soient liées au climat et que ces réactions soient directement influencées par le Soleil.» Le professeur appuie cette hypothèse notamment sur les observations de longue date qui ont montré une corrélation entre deux périodes d’absence de taches solaires (de 1400 à 1510 et de 1645 à 1715) et un refroidissement du climat. L’Europe, et peut-être toute la planète, a alors vécu ce qu’on appelle le «petit âge glaciaire», dont l’apogée se situe entre 1570 et 1730. Les glaciers ont connu une avancée considérable et rapide, la Tamise gelait à Londres et l’agriculture a été fortement perturbée. Par ailleurs, les Vikings cultivaient la terre au Groenland au 12e siècle et de grandes sècheresses ont conduit à la disparition de peuples autochtones dans le sud-ouest des États-Unis. Cette période est connue sous le nom de «maximum médiéval». On ne peut savoir si ce réchauffement était associé à une augmentation de l’activité solaire, mais l’hypothèse ne peut être exclue, selon Paul Charbonneau. «Le système climatique est très complexe et instable. Plusieurs phénomènes surviennent d’eux-mêmes, indépendamment de l’activité humaine; il existe des sources naturelles de variabilité climatique à l’égard desquelles on ne peut rien. El Niño en est un exemple», souligne-t-il. En revanche, nous pouvons avoir une prise sur certaines causes du réchauffement. Le professeur donne à titre d’exemple le chlorofluorocarbone, ce gaz de refroidissement qui détruit la couche d’ozone. «En trois ans, nous avons adopté des règles pour bannir ce gaz dont la quantité dans l’atmosphère a maintenant baissé de 1000 fois, ce qui permet au trou de la couche d’ozone de se résorber.» Bref, si l’activité solaire y est pour quelque chose dans le réchauffement climatique, cela ne veut pas dire de ne pas agir sur les facteurs qui dépendent de l’activité humaine. Daniel Baril |
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