Volume 41 - numÉro 3 - 11 septembre 2006
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parlons des personnes...La Sherlock Holmes de la céramique
Le soir, Lisette Gagné est constable spéciale au Bureau de la sûreté de l’Université. Elle peut vous interroger et vous fouiller. Elle peut vous donner un avis de contravention si vous fumez à moins de neuf mètres d’un pavillon. Elle peut aussi arrêter ceux qui commettent des infractions plus graves… Même si ces situations sont peu fréquentes, il n’y a pas de doute, il existe des métiers moins stressants. Le jour, Mme Gagné consacre son temps à sa passion: collectionner les poteries et céramiques québécoises du 18e siècle à nos jours. Une activité à laquelle elle a commencé à s’adonner vers la fin des années 80 et qui est devenue au fil des ans un style de vie. Dès qu’elle le peut, elle troque son uniforme contre des jeans et part faire sa tournée des brocanteurs et des antiquaires à la recherche d’œuvres d’art. «Je cours même les ventes de garage, dit-elle à la journaliste de Forum qui l’a rencontrée chez elle. C’est fou ce qu’on peut trouver pour pas cher.» Avec un enthousiasme encore plus grand, la collectionneuse exhibe une urne datée de la fin du 18e, la plus vieille pièce en sa possession. «Elle est faite de terre cuite grossière et son origine est dite de “Yamachiche”. Les deux anses plates placées sur le même côté laissent croire qu’elle était destinée à être suspendue, soit à une ceinture ou à un animal», indique Mme Gagné. Son cout? «Je l’ai payée une fraction de son prix à un brocanteur qui l’a trouvée à Trois-Rivières, admet-elle. Très peu de poteries de ce genre sont de nos jours intactes. Les musées en conservent surtout les tessons découverts lors de fouilles archéologiques.» À ce jour, la collection de Mme Gagné comprend plus de 2700 pièces anciennes ou contemporaines, dont 2300 poteries de la Céramique de Beauce, la plus grande fabrique de céramique qui a existé dans la province et au pays au 20e siècle. Plusieurs artistes majeurs les ont signées, notamment Jean-Jacques Spénard, Gaétan Beaudin, Marcel Choquette, Jean Cartier et Monique Boubonnais-Ferron. Bref, une collection impressionnante illustrant 350 ans de production céramique québécoise et considérée comme la plus nombreuse au Québec et même au Canada. Mais ce qui allume surtout la constable, c’est l’historique derrière chaque pièce. Pour chaque nouvelle acquisition, une recherche est donc effectuée quant à son origine, sa conception, sa fabrication, sa période de réalisation. «C’est un travail d’enquête passionnant», affirme cette collectionneuse autodidacte qui a étudié l’histoire au cégep. Le travail d’inventaire de l’ensemble de ses pièces a permis à Lisette Gagné d’approfondir ses connaissances et d’affermir son expertise. Reconnue dans le milieu pour son instinct et son talent d’enquêtrice, elle est surnommée «Sherlock Holmes» par certains spécialistes de l’art. «L’approfondissement de mes connaissances au cours des dernières années facilite aujourd’hui le processus d’acquisition de pièces de qualité, souligne Mme Gagné. Maintenant, je sais au premier coup d’œil si une pièce a de la valeur.» À 53 ans, Lisette Gagné a pour objectif non pas de s’enrichir mais plutôt de promouvoir le patrimoine québécois. C’est ainsi qu’elle expose ses pièces et fait part de ses recherches sur son site Internet. Elle a d’ailleurs prêté plusieurs de ses objets à l’occasion d’expositions et a même été commissaire dans l’une d’elles tenue au Musée du Haut-Richelieu à Saint-Jean-sur-Richelieu. Elle prépare également une donation importante au Musée Marius-Barbeau à Saint-Joseph-de-Beauce. Présentement en congé différé, la constable au service d’ordre travaille à la réalisation d’un répertoire, emtamé il y a cinq ans, de tout ce qui a pu se faire en céramique au cours du 20e siècle. Dominique Nancy |
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