Volume 41 - numÉro 6 - 2 octobre 2006
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Les enluminures s’affichent sur le campusC’est l’occasion rêvée de découvrir le fonds Marcel-Lajeunesse
Isabelle de Castille est à genoux devant la Vierge et l’Enfant, sous des anges musiciens. Voilà comment aimait se contempler la commanditaire d’un livre de prières enluminé datant du 15e siècle et conservé à Madrid. Un ouvrage inestimable qui ne voyage pas beaucoup. Mais les amateurs peuvent en observer un facsimilé sur parchemin, qui a lui aussi une grande valeur (environ 12 000$), exposé jusqu’à la fin du mois d’octobre dans les vitrines du quatrième étage du pavillon Samuel-Bronfman. «C’est une pièce magnifique dont peuvent profiter les étudiants en l’histoire de l’art», dit en le manipulant délicatement Geneviève Bazin, responsable du Service des livres rares et des collections spéciales. Nous pouvons voir le dessin précis parsemé de feuilles d’or et la riche ornementation de la couverture.»
Mme Bazin, elle-même historienne de l’art, s’est personnellement occupée de l’exposition qui réunit 70 facsimilés, dont celui du livre d’heures d’Isabelle de Castille, et de nombreux manuscrits. «Un livre d’heures est un recueil de prières correspondant à différentes célébrations dans la journée», résume-t-elle. Très populaires chez les nobles et illustrés par les plus grands artistes de l’époque, ce sont les «bestsellers» du bas Moyen Âge. «Les livres d’heures sont autant le reflet de la vanité et de la richesse de leurs propriétaires que le miroir de leur dévotion», mentionnait, le 5 avril dernier, celui qui a inspiré cette exposition, Marcel Lajeunesse. Ancien professeur titulaire à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information qui a aussi été vice-doyen à la Faculté des arts et des sciences, M. Lajeunesse a légué à l’Université de Montréal une collection valant plus de 100 000$ et qu’il a mis 35 ans à constituer. Vingt livres issus de son fonds (dont le facsimilé d’Isabelle de Castille) sont présentés. Certaines pages sont de véritables tableaux miniatures représentant la nativité, l’épiphanie, la visitation, la fuite en Égypte ou l’office des morts. Manuscrits et incunables
Pourquoi s’être intéressé aux livres d’heures? Parce que ces bréviaires à l’usage des laïcs, peints à la main autour des textes en latin, sont pour le collectionneur «au carrefour de trois domaines: l’histoire du livre manuscrit, l’histoire de l’art et l’histoire du sentiment religieux». Or, le chercheur du troisième millénaire peut compter sur des impressions de qualité, qu’il peut manipuler dans des bibliothèques spécialisées comme celle de l’Université de Montréal. «Avec les moyens technologiques contemporains, on nous offre des facsimilés à l’identique, si semblables aux originaux que les spécialistes du domaine auront de moins en moins accès à ces originaux, qui prennent le chemin de bibliothèques fermées, sans lumière, avec température et humidité contrôlées, comme c’est le cas à la Bibliothèque vaticane», soulignait le donateur. Ses préférés: les Petites heures de Jean, duc de Berry, aujourd’hui conservées à la Bibliothèque nationale de France, et les Heures de Louis d’Orléans, dont l’original est gardé à la Bibliothèque nationale de Russie, à Saint-Pétersbourg. Les deux facsimilés peuvent être vus au pavillon Samuel-Bronfman. Conclu à l’automne 2005, le don de M. Lajeunesse a été souligné, le 5 avril 2006, au cours d’une rencontre à laquelle assistaient quelque 60 personnes. Le directeur des bibliothèques, Jean-Pierre Côté, avait remercié le professeur Lajeunesse pour «la marque de confiance à l’égard de nos bibliothèques et la stimulation indéniable pour les nouvelles générations d’étudiants qui s’intéresseront à l’histoire du livre». Il avait aussi rendu hommage à sa conjointe, qui ne lui a jamais imposé de limites dans sa passion de collectionneur. «Quel plaisir de chercher, de découvrir, de rassembler et, disons-le, de dépenser en toute liberté!» avait ajouté le professeur. Selon Mme Bazin, le fonds Marcel-Lajeunesse vient enrichir un secteur important de la collection de livres rares, consacré aux manuscrits anciens et aux incunables. «Il ne faut pas sous-estimer la valeur des facsimilés à l’identique, précise-t-elle. Il est presque impossible d’acquérir des originaux de cette époque et plusieurs reproductions elles-mêmes ne sont plus disponibles, car leur tirage est épuisé.» La commissaire de cette exposition a profité de l’occasion pour présenter un panorama de l’enluminure, incluant des reproductions d’ouvrages du 7e siècle. Le plus récent? Il date du 20e siècle. C’est un document offert par l’empereur d’Éthiopie Hailé Sélassié 1er lors de son passage à Montréal en 1954. L’art de l’enluminure, que plusieurs croient éteint depuis l’invention de l’imprimerie, aura donc survécu jusqu’à aujourd’hui. L’exposition se déroule jusqu’au 25 octobre. L’entrée est libre. Mathieu-Robert Sauvé |
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