Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 7 - 10 octobre 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Les garderies de qualité ne sont pas stressantes

Cependant, certains enfants confiés à des garderies de qualité médiocre démontrent des signes de stress évidents

Le débat sur les garderies ne porte plus tant sur les avantages ou les inconvénients d’envoyer son enfant à la garderie, mais bien sur la qualité des services offerts. Car entre une garderie de qualité et une garderie médiocre, il y a un monde pour l’enfant.

Les enfants âgés de trois à cinq ans qui fréquentent une garderie où les soins et les activités sont passables et qui sont gênés, complexés ou aux prises avec des troubles du comportement sont plus susceptibles d’éprouver un stress élevé en garderie. Ce stress se reflète par des taux de cortisol plus grands lorsqu’ils sont à la garderie que lorsqu’ils restent à la maison. «L’élévation du taux de cortisol correspond possiblement aux efforts de l’enfant pour s’adapter à un environnement moins en mesure de répondre aux besoins et au rythme individuel du petit», affirme Marie-Claude Geoffroy, auteure d’une étude déterminante sur le sujet.

La recherche met en lumière que les effets de la garderie sur le stress varient aussi en fonction de l’âge et du tempérament des enfants. Les enfants de trois à cinq ans qui sont agressifs, timides ou renfermés sont les plus stressés en garderie. Il est particulièrement important pour ces enfants d’avoir accès à un milieu de garde de qualité, c’est-à-dire un milieu où leur seraient prodigués des soins plus personnalisés. Car un niveau de stress élevé vécu de façon chronique pourrait avoir un impact négatif sur la santé et le fonctionnement de leur cerveau. «Une augmentation des hormones de stress serait susceptible de nuire à l’apprentissage et d’entrainer des problèmes physiques et psychologiques comme des maux de tête fréquents, des troubles du sommeil, l’anxiété et même la dépression», explique l’étudiante qui termine présentement une thèse de doctorat en recherche et intervention au Département de psychologie.

Paradoxalement, les données de son étude ne semblent pas l’inquiéter outre mesure. «Au contraire, dit la chercheuse, c’est rassurant de savoir que les plus jeunes, soit les bambins de 36 mois et moins, et ceux qui ont six ans et plus ne sont pas affectés par le milieu de garde. Ces résultats contredisent l’idée selon laquelle la garderie avant deux ans est stressante pour les enfants.»

Une méta-analyse

Consciente d’avoir jeté un gros pavé dans la mare, Marie-Claude Geoffroy admet qu’il n’est pas sage de donner un chèque en blanc aux garderies. «Il y a actuellement trop de disparités dans la qualité des services offerts à la petite enfance, estime-t-elle. Il faut être attentif aux signes de stress de son enfant.»

Ses travaux ont non seulement le mérite de «débroussailler le terrain», mais ils démontrent également qu’il est essentiel d’investir dans la qualité des services de garde puisqu’on a besoin d’un système d’éducation préscolaire où la qualité sera uniformément grande.

Marie-Claude Geoffroy

Les résultats de la méta-analyse menée sous la direction des professeurs Sylvana Côté, de l’École de psychoéducation, et Jean Séguin, du Département de psychiatrie, avec la collaboration de Sophie Parent, de l’École de psychoéducation, viennent de paraitre dans le Canadian Journal of Psychiatry. Bien qu’ils soient issus d’une analyse de 11 études internationales, dont 9 américaines, il est très possible de les étendre au Québec et de dire qu’ici la situation est analogue. «À ce jour, peu de recherches se sont intéressées aux effets des garderies sur le stress des enfants, souligne Marie-Claude Geoffroy. Vous savez, c’est un phénomène encore récent. La première étude sur le sujet date de 1998!»

Cortisol et rythmes circadiens

C’est en traçant les rythmes circadiens complets de tous les enfants des échantillons, soit une centaine, que la doctorante a pu constater que leur stress variait en fonction de trois facteurs: l’âge du petit, son tempérament et la qualité des soins offerts par la garderie.

La chercheuse précise que le niveau de stress a été mesuré à deux reprises, soit le matin, quand les enfants étaient à la maison, et l’après-midi, alors qu’ils se trouvaient au service de garde, grâce au taux de cortisol contenu dans la salive. «Le cortisol est l’une des hormones que sécrète l’hypothalamus et qui est associée au stress», mentionne-t-elle. Sa production suit normalement nos cycles de veille et de sommeil: elle atteint un sommet le matin – «c’est ce qui nous donne l’énergie nécessaire pour nous réveiller» – et baisse en début d’après-midi.

«L’observation attentive des données recueillies auprès des enfants de trois à cinq ans nous a amenés à constater que c’est exactement l’inverse qui se produit lorsque ces petits fréquentent un service de garde dont la qualité est jugée faible. Au lieu de voir une chute du cortisol en après-midi, on note une plus grande sécrétion!»

À son avis, il se pourrait que les élévations de cortisol observées chez ces enfants soient aussi liées aux habiletés en communication qui, à cet âge, ne sont pas encore tout à fait acquises. «Il s’agit d’un moment dans le développement de l’enfant où les interactions avec les autres augmentent, signale Marie-Claude Geoffroy. Comme ils éprouvent des difficultés à communiquer, ils sont plus susceptibles de vivre des altercations et des conflits avec leurs pairs.»

Toutefois, les enfants qui fréquentent un bon milieu de garde n’ont pas d’élévations du taux de cortisol. Ils ont des niveaux de stress normaux, qu’ils soient à la maison ou à la garderie. «C’est que, dans un contexte de haute qualité, les soins sont plus personnalisés et les disputes entre les enfants sont moins fréquentes», rappelle Marie-Claude Geoffroy. D’où l’importance d’investir dans la qualité des services de garde pour s’assurer du meilleur développement possible de nos enfants.»

Dominique Nancy

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