Volume 41 - numÉro 9 - 30 octobre 2006
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Les femmes iraniennes poursuivent leur combatPremière femme musulmane à recevoir le prix Nobel de la paix, Shirin Ebadi parle à l’Université de son combat pour l’égalité
Malgré les risques qu’elles courent, les femmes iraniennes sont plus que jamais engagées dans la lutte pour leurs droits, a témoigné la semaine dernière à Montréal Shirin Ebadi, Prix Nobel de la paix en 2003. Et pourquoi? «En Iran, la vie d’une femme a encore moitié moins de valeur que celle d’un homme.» Plus tôt dans la journée, la nobélisée s’était entretenue avec un groupe de journalistes. Au menu, les droits des femmes, la vie après le prix Nobel, la politique nucléaire du président iranien, l’attitude des États-Unis à l’égard de l’Iran et…le port du voile en Iran, en France et au Canada. Cependant, ce qui frappe à écouter cette femme déterminée, au regard perçant, c’est le tableau nuancé qu’elle brosse de son pays. Oui, la répression est réelle, mais la volonté des Iraniens de s’en dégager l’est tout autant. Les femmes ont réalisé des gains, signale-t-elle. La première femme juge de l’Iran mentionne entre autres la modification d’une loi qui,en cas de divorce, accordait automatiquement la garde desenfants aux pères après le 7e anniversaire des filles et le 12e des garçons. En fait, c’est beaucoup grâce à son combat acharné qu’un certain nombre de lois relatives aux droits des enfants et des femmes ont été changées. «Le mouvement féministe est aujourd’hui très fort», a-t-elle rappelé en ajoutant que 60 % des étudiants dans les universités en Iran sont des femmes. Depuis deux mois, par exemple, une pétition circule sur Internet et aux abords des établissements universitaires afin de faire réformer la constitution du pays. Plus de 200 000 signatures, sur le million souhaité, ont été recueillies. Des femmes ayant récemment manifesté pour appuyer la pétition ont été arrêtées et maltraitées, mais finalement relâchées. En bref, des lueurs apparaissent. Mais les zones d’ombre sont gigantesques. La censure s’est intensifiée depuis l’arrivée au pouvoir du président et Mme Ebadi a raconté à son auditoire que pas moins de 90 journaux ont été contraints de fermer leurs portes au cours des deux dernières années. De plus, la répression reste un mot rempli de sens. Il y a quelques mois, Shirin Ebadi a été convoquée au tribunal pour avoir été vue, sans voile, serrant la main du président français, Jacques Chirac. «Je n’y suis pas allée.» Mais il n’en reste pas moins qu’«une partie des journalistes, des écrivains, des avocats sont en prison». Est-ce pire maintenant que sous le précédent président, Mohammad Khatami? Elle se montre prudente. «La présidence n’a pas beaucoup de pouvoir. J’ai été emprisonnée sous la présidence de Khatami. Il a déclaré qu’il était désolé. Rien n’a changé depuis, sauf que l’actuel président ne dit plus qu’il est désolé.» Si plusieurs membres de la diaspora iranienne jugent inacceptables les concessions que Mme Ebadi doit faire afin de mener son combat de l’intérieur même du pays, il s’en trouvera peu pour remettre en question le courage et la détermination dont elle a fait preuve depuis les 27 dernières années, soit depuis qu’une certaine révolution islamique a imposé un recul magistral aux droits des femmes. La lauréate relate d’ailleurs ce combat dans son autobiographie, qui se termine sur sa stupéfaction, en 2003, d’avoir obtenu le prix Nobel de la paix. Shirin Ebadi était à Paris avec sa fille lorsqu’elle a reçu le coup de téléphone lui annonçant l’attribution de son prix. Deux jours plus tard, lorsqu’elle descend de l’avion à Téhéran, tard le soir, elle aperçoit des centaines de milliers de personnes venues l’accueillir. «Aujourd’hui, j’habite la même maison, mon mobilier n’a pas changé. Mais j’ai plus de travail; je voyage beaucoup et le Nobel m’a aidée à faire circuler mon message dans le monde.» Le régime tente toujours de la réduire au silence, mais les menaces n’ont jamais fait taire cette femme, qui a notamment réclamé, sans l’obtenir, un procès sur les causes de la mort de la photographe irano- canadienne Zahra Kazemi. Mme Ebadi, la première femme musulmane à obtenir un prix Nobel, répète qu’islam et démocratie ne sont pas incompatibles et que c’est plutôt l’interprétation rétrograde de la charia qu’il faut blâmer. Paule des Rivières NDLR: Vous pouvez visionner la vidéo de cette conférence à cette adresse. |
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