Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 10 - 6 NOVEMBRE 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Gaie mais pas «butch»

Barbara Ravel rédige une thèse sur l’expérience de femmes gaies dans les sports d’équipe

Barbara Ravel

Amélie, 24 ans, qui fait partie d’une équipe de ballon sur glace et d’une équipe de hockey, ne semble pas souffrir d’ostracisme depuis que ses collègues athlètes ont appris qu’elle était gaie. Mais elle n’apprécie guère le mot «lesbienne» qu’on accole aux femmes non hétérosexuelles, car sous cette étiquette se cache selon elle l’image de la «butch», soit celle d’une femme dont la féminité fait défaut.

«C’est celle-là qu’on voit à la télé, dans les manifestations gaies, tandis qu’il y a une bonne partie des femmes homosexuelles qui ont l’air de Mme Tout-le-monde. Hétéros ou gaies, ce n’est pas écrit sur leur front», a-t-elle confié à la chercheuse Barbara Ravel dans le contexte de la thèse de doctorat que celle-ci rédige présentement au Département de kinésiologie.

Les propos d’Amélie rejoignent les témoignages de 13 autres jeunes femmes que Mme Ravel a pu obtenir. Ces participantes, âgées de 21 à 31 ans, qui pour la plupart prennent part à des tournois de hockey, ringuette, soccer, balle molle, ballon sur glace, volleyball ou handball se définissent comme non hétérosexuelles. Et elles ne veulent pas du tout être associées au stéréotype de la «butch» puisqu’elles se disent plutôt féminines.

«Voilà pourquoi elles abhorrent le terme “lesbienne”, explique Barbara Ravel. Elles préfèrent celui de “gaie”, qui même s’il est moins précis reflète un sentiment d’appartenance à la communauté gaie, sans avoir de connotation négative.»

Question d’image
Selon la chercheuse d’origine française, il est étonnant de constater qu’il est facile d’être une femme non hétérosexuelle dans les sports d’équipe alors que la discrimination envers les homosexuels et les lesbiennes a largement été dénoncée dans les sports professionnels. «Il faut dire que plusieurs autres impératifs sont en jeu, notamment celui des commanditaires», admet la jeune femme de 28 ans qui a été pendant deux ans membre de l’équipe nationale de hockey féminin en France.

image Martina

Martina Navratilova

Les exemples de femmes ouvertement lesbiennes et ayant réussi à percer dans leur sport existent, indique-t-elle. On n’a qu’à penser aux joueuses de tennis Amélie Mauresmo et Martina Navratilova, de même qu’à la golfeuse Rosie Jones. Mais trop souvent, déplore Mme Ravel, les athlètes doivent correspondre à une certaine image. «Si c’est correct d’être gaie, il ne faut surtout pas en avoir l’air!»

Les sports d’équipe féminins favorisés
Son étude, l’une des premières recherches qualitatives rédigées au Québec sur l’expérience de femmes gaies dans les sports d’équipe, fait état de nombreux paradoxes dans les discours relatifs au genre et à la sexualité, mais se conclut sur une note positive. «Bien que le milieu sportif semble encore réticent à la présence d’athlètes gaies, bisexuelles et transsexuelles, on constate de plus en plus l’existence d’un climat d’acceptation et d’ouverture envers ces personnes, affirme Barbara Ravel. Le tableau parait donc moins sombre aujourd’hui qu’il y a quelques années. Du moins pour les femmes vivant à Montréal et pratiquant un sport d’équipe.»

Mais si le milieu sportif est dit «ouvert aux gais» selon les sujets interrogés, la famille et l’environnement de travail ne démontrent pas toujours une aussi grande compréhension. «Alors que presque toutes les participantes affichent leur homosexualité dans leur sport, rares sont celles qui révèlent leur orientation sexuelle aux membres de leur famille ou à leurs collègues de travail, souligne la doctorante. Pour plusieurs jeunes femmes de l’étude, dans ces deux milieux en particulier, c’est l’“hétéronormativité” qui prévaut et donc le silence et l’invisibilité.»

L’étude de Mme Ravel, qui a été menée sous la direction des professeures Geneviève Rail (Université d’Ottawa) et Suzanne Laberge (UdeM), s’est limitée aux sports d’équipe féminins. Il faudrait éviter de tirer des conclusions quant à l’ensemble des sports, professionnels ou récréatifs.

Dominique Nancy

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