Volume 41 - numÉro 13 - 27 NOVEMBRE 2006
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Des universitaires appuient la réforme de l’éducationUne trentaine d’universitaires, d’enseignants et de directeurs d’école lancent un cri du coeur.
«Il faut poursuivre la réforme de l’éducation.» Voilà le cri du cœur que lancent une trentaine d’universitaires, d’enseignants et de directeurs d’école dans une lettre qu’ils rendent publique aujourd’hui, le 27 novembre, à l’école Pierre- Dupuis de Montréal. «On entend beaucoup de critiques sur la réforme et nous jugeons qu’il est temps, pour nous, de réagir, déclare Claude Lessard, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation et auteur du document. Il y a des problèmes, oui, mais nous craignons que cette réforme disparaisse doucement si personne ne la soutient avec énergie.» Résultant des «efforts de plusieurs centaines d’enseignants de métier encadrés par des fonctionnaires du ministère de l’Éducation», la réforme des programmes scolaires a été raillée pour son langage ou son approche par compétences. Pourtant, disent les «témoins-acteurs de la réforme de l’éducation», cette notion est facile à comprendre. «La notion de compétence désigne tout simplement le savoir en action dans une situation donnée, peut-on lire. Dans une large mesure, ces situations sont celles rattachées au métier d’écolier: apprendre à lire, écrire, compter, etc.» Le renouveau pédagogique, signalent-ils, a simplifié considérablement les programmes scolaires. Alors qu’une enseignante titulaire avait auparavant des «milliers d’objectifs» à atteindre, les compétences disciplinaires et transversales sont beaucoup mieux circonscrites, à leur avis. «Le document [réformé] tient pour les trois cycles en 350 pages, soit considérablement moins que les anciens fascicules; au secondaire, le programme est quatre fois moins volumineux et tient en un seul volume, contre 39 pour l’ancien: il a 631 pages au lieu des 2622 précédentes [...] L’ancien programme avait donné lieu à une prolifération excessive d’objectifs (pas moins de 6000) qu’aucun enseignant n’était en mesure de couvrir de manière systématique dans le temps imparti.» Tout en appelant une plus grande autonomie professionnelle des enseignants, les signataires prennent par ailleurs leurs distances quant à l’approche «socioconstructiviste» des réformateurs. «Il ne revient pas au ministère de prescrire les pratiques pédagogiques des enseignants», estiment-ils.
Les fleurs... et le pot La grande faille, c’est qu’on ignore actuellement à quel point précisément la réforme est appliquée. «On me dit que, dans certaines écoles, les manuels sur la réforme au primaire sont encore dans leur papier d’emballage», rapporte l’ancien doyen de la Faculté des sciences de l’éducation. Son application est encore plus ardue à évaluer au secondaire, où la culture des enseignants est très différente de celle du secteur primaire. «Pour plusieurs, le nouveau programme heurte de front une identité professionnelle construite autour de la transmission d’une discipline. La liste des freins ou de conditions difficiles pourrait s’allonger. Le défi de l’implantation de la réforme au secondaire est en partie politique: tant que le message des autorités ministérielles sera faible ou ambigu, la résistance active ou passive, voire l’indifférence, seront légitimes», fait observer le document de 22 pages accessible sur le site de la coalition (www.reussirlareforme.com). Claude Lessard est explicite là-dessus: le ministère ne sait pas où en est la réforme au secondaire. Est-elle appliquée en totalité, en bonne partie ou presque pas? Aucune idée. «Nous enjoignons le ministère à se doter d’indicateurs clairs pour juger de l’implantation de la réforme, comme cela existe dans le système de santé. Ce souhait a déjà été exprimé par le Conseil supérieur de l’éducation, sans résultat.» Aux détracteurs du renouveau pédagogique qui font valoir que la réforme a nui aux performances des élèves, il répond la même chose. «Si on ne connait pas l’état de l’application d’une réforme, comment juger de ses effets? demande-t-il.Une multitude de facteurs peuvent expliquer les fluctuations de résultats scolaires.» Les signataires du document sont sévères relativement à l’évaluation des compétences («le Québec a fait preuve de témérité en se lançant dans une approche par compétences sans trop savoir comment les évaluer», remarque le texte) et de la politique du «redoublement exceptionnel» des élèves qui échouent. «Il est vrai que la recherche démontre que le redoublement n’aide pas les jeunes. Mais je ne crois pas que le fait de basculer au secondaire à 13 ans, réussite ou pas, soit une bonne mesure.» Alors, quelle est la solution? «Je n’en vois pas», dit laconiquement M. Lessard.
Signatures prestigieuses Faisant la genèse de la réforme de l’éducation, qui a été au centre du mandat de Pauline Marois lorsqu’elle était ministre de l’Éducation dans les années 90, le texte situe la réforme des programmes scolaires (baptisée depuis «renouveau pédagogique») dans son cadre plus large. Celle-ci s’inscrivait dans un grand projet qui comprenait sept volets, parmi lesquels la création des centres de la petite enfance, une politique de soutien à l’école montréalaise et une rationalisation de l’enseignement supérieur. Dans l’ensemble, cette réforme de l’éducation a donné d’excellents résultats, indique M. Lessard. Par exemple, on compte aujourd’hui 6000 enseignants de plus au préscolaire et au primaire, et ce, même si le nombre d’élèves a baissé de 17 %. Dans ses recommandations, le collectif presse le ministère d’affirmer clairement sa volonté de poursuivre et de réussir l’implantation de la réforme. On souhaite aussi la création d’une «commission de sages issus de différents horizons, mais indépendants de leurs institutions ou associations». Son mandat serait de «formuler des pistes de solution les plus concrètes aux problèmes les plus difficiles à résoudre liés au programme de formation et à son implication, particulièrement au secondaire». Cette déclaration, concluent les auteurs, «veut mettre en relief notre adhésion au sens premier et aux fondements de la réforme maintenant engagée, à son caractère juste et légitime, et à son importance majeure dans la construction de la société d’aujourd’hui et de demain». Mathieu-Robert Sauvé |
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