Volume 41 - numÉro 17 - 22 JANVIER 2007
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Les oncogènes brisent la molécule d’ADNUne découverte de Gerardo Ferbeyre permet de mieux comprendre un mécanisme naturel de protection contre le cancerUn pas important vient d’être franchi dans la compréhension des mécanismes naturels de défense contre le cancer. L’équipe de Gerardo Ferbeyre, professeur au Département de biochimie de la Faculté de médecine, est parvenue à élucider la façon dont les cellules normales détectent la présence d’oncogènes actifs pour les neutraliser. Ces travaux, qui ont constitué la recherche doctorale de Frédérick Antoine Mallette et qui ont mis à contribution l’expertise de l’agente de recherche Marie-France Gaumont-Leclerc, viennent d’être publiés dans le numéro de janvier de la revue Genes & Development, une revue incontournable dans le domaine de la recherche en génétique. «Les oncogènes proviennent de la mutation de gènes qui régulent le cycle de vie cellulaire, explique le professeur. Il peut s’agir de gènes induisant la division ou la différenciation cellulaires ou encore qui codent pour des facteurs de croissance ou des récepteurs de ces facteurs. Si ces gènes deviennent défaillants à cause de mutations, la division cellulaire est déréglée, ce qui entraine l’apparition d’un cancer.»
De telles mutations sont fréquentes, mais elles sont normalement décelées par la cellule saine, qui enclenche alors le processus de sénescence par lequel elle met fin à sa division. «La seule présence d’oncogènes n’est pas suffisante pour qu’un cancer se déclare; il faut aussi que la sénescence soit inhibée», précise le chercheur.
Radicaux libres Les radicaux libres sont des composés oxygénés auxquels il manque un électron, ce qui fait qu’ils ont tendance à s’accrocher à d’autres molécules qu’ils oxydent. Certains y voient la cause du vieillissement. Lorsqu’ils s’attaquent à l’ADN, ils en perturbent la réplication. Les cassures de l’ADN stimulent une protéine (la protéine ATM) qui active à son tour un gène suppresseur de tumeur (le gène p53). Normalement, ce gène répare aussi l’ADN et déclenche l’apoptose ou la sénescence, mais ces processus sont inhibés dans les cas de cancer. Les antioxydants – comme la vitamine C, les caroténoïdes et les flavonoïdes présents dans plusieurs fruits et légumes – ont la propriété de neutraliser les radicaux libres, d’où leur réputation d’être des anticancéreux. On pourrait alors penser que ces antioxydants sont en mesure de prévenir les cassures de l’ADN engendrées par les oncogènes. Mais rien n’est jamais simple en santé. Selon Gerardo Ferbeyre, les radicaux libres seraient également nécessaires au processus de sénescence. «Il y a accumulation de dommages à l’ADN uniquement lorsque les radicaux libres sont trop nombreux ou lorsque le processus de réparation de l’ADN est inhibé», affirme-t-il. Il doute par ailleurs de l’effet anticancéreux des antioxydants. Une étude américaine portant sur l’effet de la bêtacarotène dans la prévention des cancers a dû être interrompue parce qu’on a noté plus de cas de cancer dans le groupe consommant la bêtacarotène que dans le groupe témoin, signale-t-il.
Vieillissement: le prix à payer «Si la sénescence prévient le cancer, son effet indirect est le vieillissement cellulaire. L’accumulation de ces cellules qui ne se reproduisent plus diminue les fonctions des tissus, d’où le vieillissement de l’organisme. Les défenses contre le cancer sont des moyens retenus par l’évolution pour assurer notre survie jusqu’à l’âge de la reproduction. Au-delà de cet âge, l’efficacité de ces processus diminue et le risque de cancer augmente. Le vieillissement apparait ainsi comme le prix à payer pour se protéger du cancer.» La découverte du chercheur ouvre tout de même la voie à de nouvelles pistes de recherche dans le traitement préventif du cancer, voire l’élaboration de vaccins anticancéreux, puisque les dommages causés à l’ADN par les oncogènes sont détectables dans les tumeurs prémalignes. À son avis, les recherches doivent s’orienter du côté des composantes chimiques à l’œuvre dans la sénescence, même si la perspective d’un vaccin est un objectif à long terme. Daniel Baril |
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