Volume 41 - numÉro 18 - 29 JANVIER 2007
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Conférence aux Belles Soirées : Qu’est-ce qu’un peuple?La réalité politique ramène les philosophes à l’ordre sur la question de la nation, affirme Michel Seymour
Dans la seconde moitié du 20e siècle, les philosophes ont cru que le nationalisme était une question dépassée et que les peuples allaient désormais développer une appartenance transnationale. «Contrairement à ce qu’on imaginait, la chute du mur de Berlin a été suivie par une résurgence des nationalismes dans les années 90, comme en Yougoslavie et en Russie, rappelle Michel Seymour. La réalité politique a ramené les philosophes à l’ordre; ils ont alors découvert, les uns après les autres, que le concept d’État-nation était loin d’être la norme et que la plupart des États sont en réalité des États multinationaux. Il est devenu indécent de tenir pour acquis le concept d’État-nation.» Professeur au Département de philosophie, Michel Seymour, dont les convictions souverainistes sont bien connues, présente aux Belles Soirées une série de trois conférences sur le thème «Qu’est-ce qu’un peuple?»
Le tango Québec-Canada Si le nationalisme est souvent perçu comme le lot de minorités, «c’est qu’on oublie que le nationalisme minoritaire va de pair avec le nationalisme majoritaire», souligne-t-il. Le professeur distingue même sept formes de nation: la nation ethnique, la nation culturelle, la nation civique, la nation sociopolitique, la nation diasporique, la nation multisociétale et la nation multiterritoriale. Le Québec formerait ainsi une nation sociopolitique, qui se caractérise par l’existence d’un gouvernement non souverain. Quant au Canada, il forme une nation multisociétale, étant un État multinational. Le philosophe convient qu’il existe une nation canadienne puisque des Canadiens s’identifient à cette entité, mais il juge que la reconnaissance de cette nation n’est pas légitime parce que le Canada ne reconnait pas la nation québécoise. «Les Québécois sont donc légitimés de ne pas s’identifier à la nation canadienne. Le tango, ça se danse à deux», lance-t-il. La déclaration sur l’existence du peuple québécois adoptée par le gouvernement de Stephen Harper le laisse froid. «Elle restera une déclaration sans portée juridique», prévoit-il. Peu de chose toutefois suffirait à régler le tempo de la danse, comme la constitutionnalisation d’un statut particulier pour le Québec et un droit de retrait avec compensation. «Cela ne changerait rien pour le reste du Canada, mais je suis convaincu que ça n’arrivera jamais et c’est pourquoi je suis souverainiste.»
Un accommodement avec ça? «Il faut reconnaitre aux anglophones le droit aux systèmes d’éducation et de santé, alors que les autochtones peuvent bénéficier de l’autonomie gouvernementale», estime Michel Seymour. La question des droits des minorités soulève celle, brulante, des demandes d’«accommodements raisonnables». «Même si j’ai une position multiculturelle, je suis porté à penser que les cas qui ont suscité la polémique et qui n’étaient pas des cas juridiques – comme les vitres du YMCA, les horaires de piscine ou le refus de personnel soignant masculin – étaient déraisonnables. Le multiculturalisme nécessite l’intégration», fait-il observer tout en souhaitant un État laïque. À ses yeux, il faut éviter que le débat actuel autour de gestes destinés à «accommoder tout le monde» ait pour effet d’éluder les demandes d’accommodements du Québec à l’égard du Canada.
Est-ce la fin de la nation? La troisième conférence traitera des enjeux de la mondialisation et des nouvelles questions que les grands ensembles économiques posent au nationalisme. Sommes-nous à l’ère du village global? Le nationalisme est-il compatible avec le cosmopolitisme? Les migrations annoncent-elles la fin de la nation? Que penser de l’expérience européenne et de la Convention sur la diversité culturelle? Sans livrer l’essence de ses réflexions sur ces questions, le professeur laisse tout de même tomber que «nous ne sommes pas à l’ère postnationale et que les nations se portent encore très bien.»
Daniel Baril |
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