Volume 41 - numÉro 18 - 29 JANVIER 2007
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Le cerveau reconnait les voix familièresAvant même qu’on en prenne conscience, la voix familière est perçue différemment par le cerveau
Tout le monde a déjà vécu cette expérience: une personne que l’on n’a ni vue ni entendue depuis des années prononce notre nom au téléphone et nous savons immédiatement de qui il s’agit. «La voix humaine est un stimulus très important dans notre environnement sonore et la capacité de reconnaitre et de distinguer les voix est l’une des principales fonctions de notre cortex auditif», affirme Maude Beauchemin, doctorante au Département de psychologie. La voix livre une quantité phénoménale de renseignements: un seul mot permet en effet de connaitre le sexe, l’âge, l’état émotif et jusqu’à l’appartenance sociale d’un locuteur même étranger. Plusieurs travaux ont déjà permis d’établir que le cortex auditif possède des zones associées spécifiquement à la voix humaine. Certains de ces travaux, réalisés à l’Université de Montréal par Pascal Belin et Shirley Fecteau, ont montré que des zones du lobe temporal supérieur réagissent différemment selon qu’on fait entendre une voix humaine, un son animal ou des stimulus sonores non vocaux. Sous la direction de la professeure Maryse Lassonde, Maude Beauchemin a voulu approfondir ces connaissances et savoir si le cerveau répond autrement à l’écoute de voix familières et de voix étrangères.
«A-A-A-A-A-A…» L’étudiante a fait entendre à des sujets pendant 30 minutes une suite régulière de A dite par une même voix inconnue. À certaines occasions, des A prononcés par une seconde voix étrangère étaient introduits, ainsi que des A prononcés par une voix connue du sujet. On faisait en même temps visionner aux participants un film muet sous-titré afin qu’ils ne prêtent pas attention aux stimulus sonores. Comme prévu, les A différents de la suite régulière ont produit une onde négative de discordance. «Mais la courbe de la MMN révélée dans la zone frontocentrale est beaucoup plus accentuée lorsqu’il s’agit de la voix familière, déclare la chercheuse. Cette plus forte amplitude montre que la voix familière, contrairement aux deux autres, est enregistrée dans la mémoire à long terme et engendre une plus grande activité neuronale parce que sa trace mnésique est plus marquée.» Il s’agit de la première étude démontrant que le cerveau réagit différemment à l’écoute de la voix familière et que son empreinte auditive est logée dans la mémoire à long terme. Du même coup, Maude Beauchemin a confirmé une hypothèse formulée par d’autres chercheurs voulant que la MMN puisse être un marqueur auditif permettant de discriminer la mémoire auditive à court terme et la mémoire auditive à long terme.
L’effet de la voix familière a également été observé sur une autre onde de la zone frontale, l’onde P3, qui répond aux stimulus distracteurs. «L’amplitude est apparue plus grande quand les sujets entendaient la voix familière, explique Mme Beauchemin. Ceci montre que la voix familière suscite un plus grand intérêt que la voix étrangère et que cet intérêt pourrait être suffisant pour distraire un auditeur d’une tâche comme celle d’être attentif au film muet.» Théorie de la conscience «Cela signifie qu’avant que nous en prenions conscience notre cerveau a déjà reconnu qu’il s’agit d’une voix familière», souligne l’étudiante. Les résultats de son étude ont été publiés dans le numéro de juin 2006 de la revue European Journal of Neuroscience. À l’aide de ces mêmes outils, la chercheuse poursuit ses travaux afin de déterminer si le nouveau-né perçoit une différence entre la voix de sa mère et la voix d’une personne non familière.
Daniel Baril |
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