Volume 41 - numÉro 19 - 5 FÉVRIER 2007
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L’enfant comprend mieux les conséquences de la colère que celles de la joieL’équipe de Marcelle Ricard réalise la première étude recourant aux émotions comme composantes de la théorie de l’esprit
La compréhension de l’état mental de l’autre, notamment de ses émotions, est essentielle aux interactions sociales. Si l’on ne sait pas décoder les sentiments, impossible d’avoir une attitude appropriée dans nos échanges. Le mécanisme qui nous permet de nous rendre compte que des émotions comme la joie ou la colère peuvent entrainer des comportements particuliers chez les autres met un certain temps à prendre forme chez l’enfant. «On appelle “théorie de l’esprit” cette faculté de comprendre que les autres ont des états mentaux semblables aux nôtres et la capacité d’utiliser cette connaissance pour expliquer ou prévoir leurs attitudes, souligne Marcelle Ricard, professeure au Département de psychologie. Plus l’enfant est en mesure de saisir adéquatement les états mentaux, mieux il est intégré socialement et apprécié par ses pairs.»
Les émotions comme états mentaux Étonnamment, les chercheurs n’ont jusqu’ici accordé que très peu d’attention aux émotions comme moteurs du comportement. Contrairement au courant dominant dans cette branche, l’équipe de Marcelle Ricard considère pour sa part que les émotions primaires –soit la joie, la tristesse, la peur et la colère – constituent des composantes à part entière des états mentaux. L’équipe, composée de chercheurs de l’UdeM, de l’UQAM et de l’UQAR et soutenue par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, a innové en élaborant le premier protocole de recherche recourant aux émotions pour vérifier si les enfants de quatre ans comprennent que ces états sont aussi des causes du comportement d’autrui.
La colère est mieux cernée «Tous les états mentaux ne sont pas compris au même âge, précise la professeure. Lorsqu’il s’agit de reconnaitre les émotions ressenties par des personnages, la joie et la tristesse sont cernées plus facilement que la peur et la colère chez les enfants âgés de trois à cinq ans. Nous nous attendions donc à ce que nos résultats reflètent ce profil.» À son grand étonnement, quand les enfants ont eu à nommer les conduites découlant des émotions, c’est plutôt la colère qui a engendré le plus haut taux de réponses appropriées. Les taux de bonnes réponses ont été de 42,5 % pour la peur, de 45 % pour la tristesse, de 46,5 % pour la joie et de 57 % pour la colère.
«Les conséquences de la colère sont donc saisies plus facilement par les enfants», affirme la chercheuse. À son avis, une hypothèse évolutionniste pourrait expliquer ce statut particulier; la reconnaissance rapide des conséquences de la colère ou de l’agressivité pourrait en effet être un avantage adaptatif non négligeable en situation de confrontation. Il est donc possible que l’enfant réponde en fonction de son propre état émotif plutôt qu’en s’identifiant aux protagonistes de l’histoire. On pourrait également penser que les émotions peuvent susciter plusieurs réactions et qu’il n’y a pas qu’une seule bonne réponse. Or, la prise en compte des justificatifs des enfants lorsqu’ils choisissaient une réponse neutre ou inappropriée n’a pas changé les résultats; au contraire, le premier classement a été consolidé. «Nos résultats confirment la présence d’une conceptualisation graduelle des émotions primaires et révèlent que la colère est mieux saisie que les trois autres émotions comme cause de comportement chez les enfants de quatre ans», conclut Marcelle Ricard.
Daniel Baril |
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