Volume 41 - numÉro 19 - 5 FÉVRIER 2007
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Les routes gênent la reproduction des tortuesLa diversité génétique est moins grande dans les zones traversées par des routes
Selon une étude en cours au Département de sciences biologiques, les routes qui traversent des habitats de tortues risquent, à long terme, de réduire la diversité biologique chez ces reptiles apparus il y a quelque 210 millions d’années. Même si les résultats sont encore préliminaires, les données montrent que moins de tortues réussissent à donner naissance à une progéniture vivante dans les milieux parcourus par une route que dans les milieux demeurés naturels. «Au Québec, 8 de nos 10 espèces de tortues sont menacées et des données américaines révèlent que les véhicules peuvent être responsables de 10 % des décès de tortues», affirme Olivier Sylva-Beaudry. Sous la direction du professeur Bernard Angers, l’étudiant poursuit ses travaux de maitrise pour déterminer précisément l’impact des routes sur le succès reproducteur des tortues peintes.
L’accotement comme lieu de ponte À l’âge adulte, la tortue peinte mesure environ 15 cm et sa longévité est de 35 ans. Elle se reconnait à ses lignes rouges sur les pattes, sur la queue et en bordure de la carapace. Chaque année, la femelle pond de 2 à 10 œufs possiblement fertilisés par des mâles différents; la tortue peinte a en effet la particularité de conserver le sperme des géniteurs pendant quatre ans!
«Le nombre de tortues écrasées sur les routes semble moins élevé au Québec qu’aux États-Unis, mais d’autres facteurs de mortalité liés aux routes sont aussi à considérer, précise Bernard Angers. Ici, les tortues utilisent les accotements comme lieux de ponte parce que le sol est meuble. Un véhicule qui roule sur l’accotement risque donc d’écraser des œufs.De plus, les écarts thermiques provoqués par la chaleur de l’asphalte peuvent faire mourir les œufs. Les nids sur les accotements sont aussi facilement repérés par les prédateurs.» Pour mesurer l’effet de l’ensemble de ces facteurs sur le taux de reproduction des tortues, Olivier Sylva-Beaudry a procédé au prélèvement d’échantillons d’écailles sur 287 individus provenant de neuf sites de l’Outaouais, de l’Estrie et de la région de Montréal. L’analyse du génome de chaque tortue lui permet d’établir le coefficient d’apparentement entre chacune d’entre elles et, de là, d’inférer le succès reproducteur de chaque femelle d’un même endroit. Pour chaque région, le chercheur compare par la suite les données entre les sites naturels et ceux où une route sert de lieu de ponte.
Diversité génétique réduite À première vue, le milieu perturbé semble avantageux puisque le taux de reproduction est de 1,63 tortue par femelle, contre 1,13 dans le milieu préservé. «À première vue seulement, fait remarquer le professeur Angers. L’analyse montre que le ratio plus élevé en milieu perturbé est dû à trois femelles qui ont donné naissance à 10 petits. Ce qui veut dire qu’il y a moins de femelles, dans ce milieu, qui contribuent au maintien de l’espèce que dans le milieu préservé. Il y a un risque de consanguinité qui, à la longue, peut réduire la diversité génétique et être néfaste à la colonie.»
Pour comprendre ces ratios, il faut savoir que, dans les habitats près desquels passe une route, toutes les tortues ne pondent pas nécessairement sur l’accotement; celles qui le font perdent sans doute plus d’œufs que celles qui vont pondre ailleurs, ce qui explique les taux de succès importants de quelques-unes des tortues. Le fait qu’un même lieu ne puisse recevoir qu’un nombre limité d’individus explique par ailleurs le taux de survie globale comparable entre les deux lieux même si plus de tortues ont procréé dans le site naturel. Olivier Sylva-Beaudry en est à analyser les données relatives aux échantillons des sites de l’Estrie. Même si les mesures ne sont pas terminées, les résultats préliminaires laissent apparaitre le même profil qu’en Outaouais: moins de femelles donnent naissance à plus d’individus dans le milieu perturbé.
Daniel Baril |
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