Volume 41 - numÉro 22 - 26 FÉVRIER 2007
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Humains et pigeons voient le monde d’un même œilLes pigeons peuvent reconnaitre des objets partiellement masqués et même l’émotion et le sexe d’un visage
Traiter quelqu’un de cervelle d’oiseau n’est guère flatteur. Si le cerveau de la faune aviaire est manifestement très modeste en taille, on ne cesse en revanche de découvrir les étonnantes manifestations d’intelligence chez les volatiles. Frédéric Gosselin, professeur au Département de psychologie, a collaboré à des travaux qui démontrent que les pigeons utilisent les mêmes repères visuels que les humains pour reconnaitre les objets et les visages. «Même si les pigeons ont un système visuel différent du nôtre, l’évolution a fait en sorte que nous avons en commun d’employer les mêmes stratégies et les mêmes types de renseignements visuels – c’est-à-dire les propriétés non accidentelles des formes – pour reconnaitre un objet», affirme le chercheur. Les «propriétés non accidentelles» d’un objet sont des caractéristiques perceptibles de la plupart des angles d’observation. Un cube, par exemple, présente toujours des coins en Y et des arêtes parallèles; ces propriétés sont quasi invariantes et nous permettent de savoir rapidement à quel genre d’objet nous avons affaire sans que nous l’ayons vu dans son entier. Tout est dans le coin La tâche est relativement facile avec des sujets humains, mais il n’en va pas de même avec un pigeon. «Il faut d’abord l’entrainer, par conditionnement, à reconnaitre correctement l’objet complet et cela peut demander un mois de travail», précise le professeur. Par la suite, on présente au pigeon une série d’images du même objet mais sur lesquelles des parties sont masquées de façon aléatoire. L’expérience a montré que les pigeons recourent aux mêmes indices visuels que les humains. Par ordre d’importance, les propriétés qui permettent la reconnaissance sont les coins de l’objet (ou points de jonction des lignes), les arêtes et en dernier lieu le côté ombragé qui produit l’effet en trois dimensions.
Une habileté adaptative lointaine «Les grands contours devraient être aussi informatifs, mais nous nous servons davantage des coterminations; cela nous indique que le cerveau utilise différemment les divers éléments d’information disponibles», souligne le chercheur.
Mais ce qui étonne plus encore, c’est que le pigeon parvient à faire le même type de traitement de l’information que l’être humain avec un cerveau infiniment plus petit. «Cette habileté est donc apparue assez tôt dans l’échelle de l’évolution», signale Frédéric Gosselin. «Nous avons pu observer que le pigeon, comme l’humain, utilise la bouche pour discerner une émotion comme la joie et utilise les yeux pour déterminer s’il s’agit d’un visage masculin ou féminin. Ce qui veut dire que le pigeon a pu extraire des caractéristiques propres de ces deux attributs et les distinguer dans d’autres visages.» L’équipe de chercheurs croit que ces données pourront avoir des applications en robotique. La découverte de l’extraordinaire compétence visuelle du pigeon malgré la petite dimension de son cerveau peut non seulement faciliter la compréhension des mécanismes neurologiques de la vision, mais également permettre le transfert de cette connaissance vers des systèmes informatisés de reconnaissance des objets. Un tel transfert, à partir du mode de vision des abeilles, a été effectué avec succès dans la mise au point des appareils volants sans pilote. Les résultats des travaux récents de l’équipe de Frédéric Gosselin étaient publiés dans l’édition du 20 février de Current Biology. Daniel Baril |
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