Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 27 - 10 avril 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

L’arbre qui sauve la forêt

La plantation de jeunes feuillus en Montérégie offre une source de revenu potentielle aux agriculteurs

Mélanie Lapointe a planté 3000 arbres dans cinq forêts privées de la Montérégie.

Photo : Mélanie Lapointe.

Les boisés privés du Québec ne constituent que 11 % de l’ensemble des forêts productives du territoire, mais ils engendrent des revenus annuels de 800 M$. On les retrouve surtout dans le sud de la province, là où le climat est doux et les sols plus fertiles. Les propriétaires de ces forêts sont invités depuis quelques années par le gouvernement, les municipalités et les agences forestières à mettre en valeur leurs hectares boisés, tout en respectant la végétation déjà présente. S’ils veulent bien planter de nouvelles espèces d’arbres, ils sont cependant peu renseignés sur leurs chances de survie et leur potentiel de croissance.

Mélanie Lapointe, candidate à la maitrise en écologie végétale, a exploré les conditions optimales de la plantation sous couvert, une technique de reboisement qui suscite de plus en plus d’intérêt dans le milieu de l’industrie forestière. Elle a circonscrit ses recherches à la région de la Montérégie, où elle a planté 3000 arbres dans cinq forêts privées, qui ont pris racine sur d’anciennes terres agricoles. Les agriculteurs ont abandonné ces champs, car ils étaient trop pierreux ou pas suffisamment fertiles. Aujourd’hui, on y voit des forêts dites de début de succession, composées principalement de bouleaux gris et de peupliers.

«Souvent, en Montérégie, on entreprend des projets de reforestation d’anciennes terres agricoles, sur lesquelles les gens rasent tout pour planter des conifères qui croissent et survivent mieux que les feuillus, remarque l’étudiante. Mais ces résineux ne poussent pas naturellement à cet endroit, bien qu’il y ait eu un peu de pin. Nous assistons ainsi à un enrésinement de la région. L’idée du projet est de venir repiquer des feuillus de façon que cela ne modifie pas trop le paysage.»

Chêne

Chêne à gros fruits, planté par la chercheuse. La photo a été prise durant la deuxième saison de croissance, soit l’été dernier.

Photo : Loïc d’Orangeville.

Adaptation favorisée
Mélanie Lapointe a poursuivi les travaux d’un collègue, Loïc d’Orangeville, qui avait conclu que la régénération naturelle était très faible dans ces jeunes forêts montérégiennes. «On pense que l’isolement des boisés, souvent entourés de champs de maïs, empêche la propagation des graines d’une forêt à l’autre», explique-t-elle.

Pendant deux ans, elle a observé la croissance de cinq espèces mises en terre: des érables à sucre, des cerisiers tardifs, des chênes rouges, des chênes à gros fruits et des noyers noirs. «Ces années sont critiques, déclare-t-elle. C’est la phase d’établissement, une étape pendant laquelle les arbres s’adaptent à leur environnement qui, contrairement à leur pépinière d’origine, possède moins de luminosité. Les forêts étant jeunes, il y a encore une assez bonne quantité de lumière pour faire pousser mes arbres. Voilà pourquoi on privilégie la plantation sous couvert.» En plus de la luminosité, l’étudiante a examiné l’impact de la compétition arbustive et herbacée, une végétation caractéristique de ces boisés encore juvéniles. La conservation de la voute forestière permet ainsi une répartition égale des conditions de croissance des pousses antérieures et des arbres fraichement plantés.

Feuillus

Peuplement de feuillus intolérants typique du sud du Québec.

Photo : Loïc d’Orangeville.

Atout pour les agriculteurs
Les résultats de la recherche, codirigée par les professeurs Alain Cogliastro et André Bouchard, du Département de sciences biologiques, sont surprenants. L’influence de la lumière et de la compétition de la végétation avoisinante est presque nulle. «J’ai découvert que les arbres répondent peu à leur environnement, probablement parce qu’ils sont en période d’adaptation et qu’ils subissent un genre de choc quand ils sont transplantés», mentionne Mélanie Lapointe. Par ailleurs, 92 % des arbres ont survécu, et ce, malgré les aléas de la période d’établissement, qui entrainent souvent la mort des plants. «Je ne peux pas dire, par contre, que mes arbres ont connu une croissance fulgurante, précise-t-elle. Ce n’est pas un milieu facile. Après deux ans, certains arbres ont grandi de 2 centimètres, d’autres de 30. Il faudrait suivre le reste de leur développement sur sept, huit ou neuf ans, ce qui est impossible dans le cadre d’une maitrise.»

Les conclusions de la jeune chercheuse s’avèrent précieuses pour les nombreux agriculteurs propriétaires de forêts. «La plantation sous couvert leur permet de redonner une valeur tant écologique qu’économique à leurs boisés, croit-elle. C’est une technique pratique qui exige peu de travaux sylvicoles durant la phase d’établissement et qui, en même temps, apporte un bon rendement.» Les agriculteurs pourront ainsi profiter d’une source de revenu supplémentaire en exploitant des bois nobles susceptibles de servir en ébénisterie. «La Montérégie est une zone très productive, même si la superficie des forêts est moins grande. Les colons avaient d’ailleurs favorisé une culture du beau bois à leur arrivée. Ce serait intéressant de retourner aux sources», estime Mélanie Lapointe.

Marie Lambert-Chan

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