Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 29 - 7 mai 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Le stress professionnel est en partie lié à l’espace de travail

Un meilleur aménagement des bureaux améliore la productivité

Jacqueline Vischer estime que l’environnement de travail peut stimuler les bonnes relations entre collègues ou, au contraire, contribuer de manière significative à faire monter le stress.

C’est bien connu, le travail est une source importante de stress chez plusieurs employés. Au cours des dernières décennies, plusieurs études scientifiques ont analysé les facteurs qui contribuent à l’anxiété professionnelle, s’attardant sur la nature des tâches, l’organisation du travail ou les relations interpersonnelles. Peu se sont par contre penchées sur les effets d’une chaise mal ajustée, d’un néon défectueux ou d’un voisin de bureau bruyant.

Depuis quelques années, Jacqueline Vischer, professeure à l’École de design industriel et spécialisée en psychologie de l’environnement, élabore un modèle théorique du stress lié à l’espace de travail. «Plus une personne est à l’aise physiquement dans son environnement, plus elle disposera d’énergie pour accomplir ses tâches, explique-t-elle. Dans le cas contraire, la personne devra consacrer son énergie à corriger les éléments qui nuisent à son travail. Si c’est le cas, on peut en déduire que son environnement est stressant.» Selon elle, cette situation est fréquente dans les tours de bureaux, où les gens ne se sentent pas en contrôle de leur milieu.

Entre interaction et intimité
La chercheuse a créé un outil qui mesure de manière quantitative le «confort fonctionnel», c’est-à-dire l’interaction de l’usager avec les éléments de son espace. Les employés évaluent leurs conditions physiques de travail sur une échelle graduée de 1 à 5. Le minimum correspond à une zone d’inconfort dont les causes sont présentement étudiées par le groupe de recherche de Jacqueline Vischer.

«Le bruit est souvent cité comme un problème, particulièrement dans les aménagements à aire ouverte, observe Mme Vischer. Les entreprises n’améliorent pas les choses, car elles ont tendance à réduire les superficies des postes de travail. Il y a donc plus de gens, de matériel et de mouvements dans un même endroit.» Chaque employé affiche cependant une tolérance au bruit qui lui est propre et qui dépend très souvent de ses fonctions. Une personne ayant besoin de se concentrer ou travaillant seule sera plus facilement distraite que des étudiants qui réalisent un projet en équipe.

Comment alors évaluer les répercussions de ce désagrément? «Certains bruits incommodent tout le monde, note la chercheuse. Par exemple, n’importe qui peut être dérangé par les voix de collègues qui parlent en se déplaçant proche de son poste de travail. C’est un bruit soudain auquel on ne peut s’habituer et qui est intelligible pour le cerveau. Ce n’est pas un son constant qui ne contient aucune information, comme celui de la ventilation.»

Si Jacqueline Vischer en est encore à explorer toutes les dimensions du bruit, elle a toutefois découvert entretemps comment les paravents influent sur le stress lié à l’espace de travail. Selon ses calculs, les cloisons devraient idéalement mesurer entre 1,2 à 1,3 m (entre 48 et 52 po). Cette hauteur est un compromis entre l’interaction et l’intimité: elle protège des regards intrusifs, limite la portée des voix, mais rappelle cependant à l’employé qu’il n’est pas seul.

Le confort fonctionnel dépend de plusieurs autres facteurs comme la nécessité d’une surface de travail adaptée à la tâche ou le nombre et la taille des salles de réunion. La question du rangement revient aussi de manière récurrente, fait remarquer la chercheuse. «Des employés vont insister sur le fait qu’ils ont besoin de plusieurs classeurs à proximité, car ils ne peuvent accomplir leurs tâches si leurs documents ne sont pas tout près d’eux. Même s’ils n’y touchent qu’une fois par mois!» raconte-t-elle, convaincue que ce facteur relève davantage du confort psychologique que fonctionnel.

Le prix de l’inconfort
Jacqueline Vischer poursuit ses recherches sur le terrain. «J’en ai encore pour deux ou trois ans. Je crois que ce sera une grande innovation si nous réussissons à démontrer qu’on peut mesurer le stress lié à l’espace de travail. J’aimerais que les milieux de l’immobilier, de l’industrie du design et de la construction prennent conscience qu’un mauvais aménagement des postes a une incidence couteuse sur la performance.»

Le stress professionnel entraine en effet des pertes insoupçonnées. En 1999, les États membres de l’Union européenne révélaient qu’elles se chiffraient environ à 20 milliards d’euros chaque année. Le stress serait aussi à l’origine de 50 à 60 % de l’ensemble des congés de maladie.

«L’anxiété engendrée par l’environnement représente peut-être un tout petit pourcentage du stress professionnel, dit Mme Vischer. Mais, si l’on peut réduire ce stress en réaménageant l’espace de travail, ce serait déjà ça de gagné. Et ça ne couterait pas cher! Il faut juste connaitre les bonnes solutions.»

Marie Lambert-Chan

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