Volume 41 - numÉro 31 - 4 Juin 2007
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Les insectes du campus sont d’une richesse insoupçonnéeSamuel Pinna identifie 73 espèces de papillons et de carabes
Les espaces verts du campus abritent une grande diversité d’insectes. «D’après l’analyse de nos échantillons, la variété des terrains semi-urbains a créé un écosystème aussi riche sur le plan entomologique que ceux du mont Saint-Hilaire ou du parc d’Oka!» signale Samuel Pinna, qui a réalisé un «Bilan entomologique des espaces naturels» pour le Comité consultatif sur l’environnement de l’Université de Montréal. Au terme d’une campagne d’échantillonnage qui l’a mené dans huit secteurs du campus au cours des étés 2004 et 2005, il a identifié 28 espèces de papillons diurnes et 45 espèces de carabes. Pour récolter ses échantillons, le biologiste a relevé sur quatre mois 68 pièges enfoncés dans le sol et a littéralement fait la chasse aux papillons avec son filet. Il a aussi attrapé des milliers de fourmis, coccinelles, araignées et autres bibittes, mais celles-ci ne sont pas comptabilisées dans le bilan déposé en avril 2005.
Ses découvertes ont été nombreuses. «Pour 13 espèces de papillons, il s’agissait d’une première observation rapportée sur le mont Royal, et un carabe, Trichotichnus autumnalis, était officiellement observé pour la première fois au Québec», explique-t-il au cours d’une entrevue téléphonique à partir de sa résidence en Gaspésie, où il travaille notamment à titre d’entomologiste et d’enseignant suppléant. De façon générale, les espaces verts du campus, qui s’étendent sur 15,6 hectares, comptent plus de 20 % des espèces de papillons qu’on peut voir au Québec, et la présence d’une espèce «rare au Québec», Everes comyntas comyntas (bleu porte-queue de l’Est), a été relevée. Pour les carabes, la récolte a été abondante: quelque 700 individus enrichissent désormais la Collection entomologique Ouellet-Robert, du Département de sciences biologiques, sauf pour l’insecte rare, qui fait aujourd’hui partie de la collection nationale du Canada.
Sur le terrain, une des surprises de Samuel Pinna (outre ses pièges chapardés par les ratons laveurs) a été de constater que des espaces en apparence pauvres, comme les herbaçaies situées dans l’ancien dépôt à neige et le long de la pente de ski, sont des habitats appréciés des coléoptères. «Dans le cadre d’une politique de protection de la biodiversité, écrit-il dans son rapport […], la conservation des herbaçaies doit faire partie des priorités. En effet, en regard des données entomologiques, ces deux herbaçaies recèlent la plus grande part de la diversité présente sur le campus.» Travail de moine
Pourquoi les carabes plutôt que les coccinelles ou les fourmis? Parce que ces coléoptères abondants, dont le nombre d’espèces s’élève à plus de 600 au Québec, sont d’excellents indicateurs de la diversité biologique; les spécialistes reconnaissent en général que les écosystèmes dont la biodiversité est riche accueillent de 30 à 70 espèces de carabes. Les 45 espèces inventoriées par Samuel Pinna témoignent donc d’un bon rendement. Le choix des sites à échantillonner a été fait en tenant compte des travaux d’inventaire végétal du botaniste Patrick Boivin, effectués dans le courant de sa maitrise en sciences biologiques (voir Forum du 27 oc-tobre 2003). «Les écosystèmes urbains sont peu connus, déclare Samuel Pinna, et, sans les études de Patrick Boivin, je n’aurais pas disposé de renseignements suffisants pour entreprendre mes propres recherches», mentionne l’étudiant, qui a utilisé ces données pour terminer un mémoire de maitrise déposé il y a quelques mois à l’UQAM. Un article tiré de son travail a d’ailleurs été publié récemment dans une revue scientifique.
Espèces exotiques Concernant la première observation au Québec de Trichotichnus autumnalis, elle pourrait être un indice de plus du réchauffement climatique. «Ce n’est pas une espèce rare aux États-Unis, remarque l’entomologiste. Mais sa présence sous nos latitudes pourrait indiquer que la limite de dispersion nordique de sa population remonte. Chose certaine, cela soulève des questions.»
À la différence de la plupart des professionnels de sa discipline, Samuel Pinna ne possède pas de collection personnelle d’insectes. Il préfère, dit-il, contribuer à la diffusion des connaissances entomologiques en confiant ses trouvailles aux musées et collections nationales. Il déplore, par ailleurs, que les fonds de recherche favorisent les travaux axés sur des problèmes comme la lutte contre le virus du Nil occidental au détriment d’une science fondamentale, dans tous les sens du mot: la taxonomie. «Plus de 80 % des espèces animales sont des insectes, rappelle-t-il. Je me réjouis du discours sur la conservation de la nature, mais il faut d’abord savoir quoi conserver. On manque le coche si l’on néglige les insectes.» Paradoxalement, ce sont les entomologistes amateurs qui contribuent le plus à la classification des espèces, un travail qui ne sera jamais terminé. «Ce sont eux qui tiennent la barre, souligne Samuel Pinna. Il faudrait d’ailleurs cesser de les qualifier d’amateurs…» Mathieu-Robert Sauvé |
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