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Le Dr Claude Perreault a réussi à mettre au point un procédé de programmation de lymphocytes T qui, même injectés dans un corps étranger, ne s’attaquent qu’aux cellules cancéreuses du receveur. |
Le Dr Claude Perreault, professeur au Département d’hématologie et directeur du Centre de recherche Guy-Bernier de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, a réussi à éliminer 100 % des cellules cancéreuses chez des souris atteintes de leucémie et sans aucun effet toxique ni aucune forme de récidive.
Ces résultats spectaculaires et prometteurs pour les humains étaient publiés dans le numéro de juillet dernier de la revue Nature Medicine.
L’arme si efficace est constituée de simples globules blancs, plus précisément des lymphocytes T, ces globules qui éliminent les cellules infectées par un corps étranger. Les plus puissants de ces lymphocytes sont ceux de type CD8, appelés «lymphocytes tueurs ou cytotoxiques». Ils ont pour fonction de reconnaître les antigènes étrangers apparaissant à la surface des cellules infectées et de détruire ces cellules.
«Ces lymphocytes ne s’attaquent pas aux cellules cancéreuses parce qu’elles appartiennent à la carte d’identité de l’individu et ne portent pas de molécules étrangères, explique Claude Perreault. En revanche, on savait que des lymphocytes CD8 provenant d’un individu sain et injectés chez un patient atteint de cancer pouvaient s’attaquer aux cellules cancéreuses.»
C’est ce phénomène que lui et son équipe ont eu l’idée d’exploiter. Le problème, c’est que les lymphocytes du donneur s’attaquent à toutes les cellules du receveur sans distinction puisqu’ils les considèrent comme étrangères. La toxicité de cette réaction est telle qu’on ne peut en tirer de traitement et les milieux médicaux ont été jusqu’ici extrêmement sceptiques quant à la réussite d’une telle perspective.
Rejet sélectif
L’équipe de Maisonneuve-Rosemont est pourtant parvenue à «programmer» des lymphocytes CD8 de façon qu’ils ne s’attaquent qu’aux cellules cancéreuses.
«Nous avons sélectionné un antigène qui provoque une réaction immunitaire intense et qui est très abondant à la surface des cellules cancéreuses, poursuit le chercheur. Nous avons ensuite mis cet antigène en contact avec un type particulier de lymphocytes CD8 purifiés et provenant d’un donneur sain. Ce contact préactive les lymphocytes, qui gardent en mémoire le type d’antigène à combattre et qui agissent alors de façon sélective.»
Le procédé nécessite donc une culture de lymphocytes qui doivent être préactivés par les antigènes de chaque receveur avant de lui être injectés.
Les résultats chez les souris ont été extraordinaires: 100 % des cellules cancéreuses (et non seulement les métastases) ont été détruites et il n’est survenu aucune récidive dans les six mois qui ont suivi l’expérience. «Six mois chez la souris équivalent à 20 ans chez l’humain, précise Claude Perreault. Et s’il y avait récidive, les lymphocytes reconnaîtraient de nouveau les antigènes du cancer.»
Le cancer en cause était la leucémie lymphoblastique, un cancer particulièrement difficile à traiter à cause de sa progression rapide et des nombreuses résistances qu’il développe. Ces caractéristiques rendent le Dr Perreault très confiant d’obtenir les mêmes résultats sur d’autres formes de cancer. Des travaux sont actuellement en cours pour appliquer le procédé aux cancers du sein, du poumon, de la peau et de la prostate.
Au rythme où vont les choses, des tests sur l’humain pourront être effectués d’ici 18 à 24 mois. Les lymphocytes et les antigènes ciblés étant identiques chez l’humain et chez la souris, tous les espoirs sont permis pour l’obtention des mêmes résultats chez l’humain.
«Notre plus grande déception serait que le procédé ne fonctionne que pour la leucémie, avoue Claude Perreault. Mais nous aurions tout de même mis au point un traitement efficace, sans effets secondaires, plus simple que toutes les autres thérapeutiques contre le cancer et ne nécessitant aucune hospitalisation.»
Daniel Baril