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Céline Le Bourdais, directrice du Centre interuniversitaire québécois de statistiques sociales |
Quoi de plus frustrant que de savoir que des données longitudinales complexes et difficiles à recueillir existent, que leur collecte a été financée à même les fonds publics, mais qu’elles ne sont pas accessibles pour la recherche universitaire?
C’est la situation à laquelle étaient confrontés bien des chercheurs désireux d’accéder aux données sociologiques de Statistique Canada avant la création du Centre interuniversitaire québécois de statistiques sociales (CIQSS).
«Les enquêtes longitudinales de Statistique Canada sont sous-utilisées en dehors des ministères et même les fonctionnaires du gouvernement ont de la difficulté à s’en servir correctement», souligne Céline Le Bourdais, directrice du CIQSS.
L’une des principales causes de cette situation découle des exigences de confidentialité qui obligent les responsables de Statistique Canada à retrancher toute information pouvant permettre d’identifier des personnes. Des données essentielles pour les chercheurs sont ainsi rendues inaccessibles.
La complexité des méthodes de collecte de données, qui doivent tenir compte de l’évolution et de la mouvance des situations observées sur de longues périodes de temps, constituait un autre obstacle. «Il faut une formation particulière pour être en mesure d’utiliser ces outils ainsi que leurs résultats», note Mme Le Bourdais. De plus, un manque de communication et de lieux d’échange entre les chercheurs et les utilisateurs politiques de données ne facilitait pas la tâche.
Réseau interuniversitaire canadien
Pour surmonter ces obstacles, un groupe national d’experts dirigé par Paul Bernard, professeur au Département de sociologie, a proposé la création d’un réseau pancanadien de centres de statistiques sociales où les données seraient accessibles de façon confidentielle et sécuritaire. Le CIQSS est l’un des maillons de ce réseau.
«Les objectifs du Centre sont de soutenir la recherche de pointe dans les études longitudinales, d’offrir des services-conseils aux professionnels et aux chercheurs, de former la relève et d’assurer le rayonnement des connaissances afin d’en maximiser l’effet sur les politiques sociales», précise Jean Poirier, coordonnateur du CIQSS.
Six universités québécoises y sont regroupées. Outre l’Université de Montréal, qui en est l’hôte, on y retrouve les universités McGill, Concordia et Laval, l’UQAM et l’INRS. Le CIQSS pourra en outre tirer avantage de l’ouverture prochaine de l’Institut de la statistique de l’UNESCO, installé sur le campus de l’UdeM et avec lequel il pourra mettre sur pied des activités communes.
Les données présentement disponibles dans les banques du CIQSS permettent de poursuivre des recherches dans quatre grands domaines: l’effet du contexte familial sur la transition psychosociale à l’adolescence et à l’âge adulte; l’impact de la restructuration économique, tant québécoise qu’internationale, sur la stabilité de l’emploi et sur la rémunération des travailleurs; l’établissement des causes de la maladie et la compréhension de la dynamique de la santé; et l’étude du processus d’adaptation des nouveaux immigrants et de l’effet des mesures d’insertion sociale.
«Les chercheurs engagés dans de tels projets ont accès aux données dans un environnement aussi sécuritaire que celui des laboratoires de Statistique Canada, tient à souligner Céline Le Bourdais. Les ordinateurs n’ont pas de lien avec l’extérieur de sorte qu’aucune donnée brute, même expurgée d’une information personnelle, ne peut en sortir.»
De plus, les chercheurs doivent présenter leur projet au Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) avant d’avoir accès aux données et les résultats de leurs travaux devront faire l’objet d’un examen avant divulgation pour s’assurer que la confidentialité est respectée.
Déjà actif
Même si l’inauguration officielle du réseau canadien n’aura lieu qu’à l’automne, le centre montréalais a déjà entamé ses activités. Une séance intensive de formation sur les théories et les méthodes dans les études longitudinales, réunissant 25 étudiants, professeurs et chercheurs, s’est déroulée à la fin août. Cette école d’été, où toutes les activités étaient bilingues, a été lancée il y a trois ans par le Centre interuniversitaire d’études démographiques et le Centre d’études ethniques des universités montréalaises (nouvelle appellation du CEETUM).
À l’occasion de cette formation, le CIQSS recevait le conférencier Hans-Peter Blossfeld, un expert de renommée internationale en analyses relatives à l’évolution des familles en relation avec les transformations du marché du travail.
L’implantation du Centre interuniversitaire québécois de statistiques sociales a été rendue possible grâce à des subventions de la Fondation canadienne pour l’innovation, de Valorisation-recherche Québec et du CRSH et à un financement de démarrage assuré par l’Université de Montréal.
Daniel Baril