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«La pratique du hockey, écrit Le Quartier latin dans un numéro spécial en 1943, demande beaucoup de virilité et de courage personnel de la part des joueurs.» Ici, l’équipe de l’École Polytechnique, l’une des plus redoutables du circuit avec celle de l’École des Hautes Études Commerciales. |
Alors que le Centre d’éducation physique et des sports de l’Université de Montréal (CEPSUM) inaugure ces jours-ci son nouveau terrain de soccer et de football — qui a nécessité un investissement de 1,7 M$ —, il n’est pas inutile de rappeler que le sport universitaire a une histoire presque aussi longue que celle de l’université elle-même. Du ping-pong au hockey, en passant par la voile, le golf, le curling, le ski, la boxe et la lutte, la tradition sportive de l’Université de Montréal a des racines profondes. L’équipe d’élite, les Carabins, défend depuis 1920 les couleurs officielles de l’UdeM, le bleu et or, dans des compétitions locales, nationales et internationales. Les athlètes féminines (baptisées Poutchinettes) suivront quelques années plus tard.
Des étudiants réclament dès le début du siècle des cours obligatoires de culture physique. Dans un article paru dans le journal L’Étudiant le 15 mars 1912, un auteur nommé Briquet écrit que, «au point de vue moral, l’éducation physique a des effets […] heureux. Elle corrige des défauts que donne au caractère une culture exagérée de l’esprit.»
La maxime Mens sana in corpore sano («Âme saine dans un corps sain») mérite alors toute la faveur des étudiants. «Le culte des sports n’est pas seulement un merveilleux moyen de rendre l’individu robuste, fier et brave. C’est aussi, et surtout, le moyen de constituer une âme nationale avec ses élites intelligentes, ses foules sportives, ses multitudes probes et courageuses», peut-on lire encore dans le journal étudiant.
Dès 1922, l’Université se dote d’un organisme qui voit à l’organisation des activités sportives: l’Association athlétique. L’objet de l’Association, selon sa constitution, est de «développer le physique» des étudiants et de créer les structures susceptibles d’assurer ce développement. Des clubs de hockey, rugby, basket-ball, crosse, lutte et tennis voient le jour. Les associations étudiantes peuvent créer des clubs avec l’approbation de l’Association athlétique. Mais un joueur qui n’a pas réussi son année universitaire ne peut plus être membre d’une équipe d’élite.
4000 spectateurs à un match de crosse
Longtemps, les compétitions d’athlétisme interfacultaires constituent l’activité la plus populaire de la rentrée. Au programme: courses de 100, 220, 440 et 800 verges, de un mille, deux milles et trois milles en plus du lancer du disque, du lancer du javelot et des sauts en longueur et en hauteur.
Le 4 mai 1922, une partie de crosse disputée entre les équipes de l’Université de Montréal et de l’Université d’Oxford-Cambridge attire 4000 spectateurs. Les hôtes remportent la victoire de justesse, 5 à 4. Les Indiens de Kahnawake, présents à l’événement, sont vêtus de leurs costumes traditionnels et exécutent leur danse nationale.
La lutte et la boxe sont également au programme. En 1924 et 1934, on assiste à des galas qui passeront à l’histoire. Le programme du Gala sportif de 1924, dont la présidence d’honneur revient à Louis-Alexandre Taschereau, premier ministre du Québec, comprend deux combats de lutte de 10 minutes et des matchs de boxe dans les catégories 52, 53 et 61 kg. Enfin, les spectateurs assistent à deux assauts d’escrime.
Les étudiants en redemandent. En 1933, un poème sur la lutte est publié dans le journal étudiant Le Quartier latin.
Sports d’élite ou de masse: le vieux débat
Dès les premières années du sport interuniversitaire, l’Université compte des équipes de hockey et de basket-ball pour la représenter. En 1935, les matchs de hockey sont même disputés dans un temple légendaire: le Forum de Montréal. En 1963, le hockeyeur moyen, chez les Carabins, est âgé de 21 ans, pèse 174,8 lb et mesure 5 pi 11 po. Il n’a rien à envier aux joueurs du Canadien.
Le ballon-panier connaît ses heures de gloire dans les année 30. Quelques championnats sont remportés par les Carabins. Jean G. Archambault, dans Le Quartier latin du 3 avril 1935, écrit que ce «sport de gentilhomme» convient bien aux jeunes filles parce qu’il y règne une ambiance de loyauté. Malgré cet encouragement, les premières manifestations de la présence féminine dans les sports semble dater de 1945. En 1948, pourtant, elles jouent encore les meneuses de claques afin d’«unir les forces étudiantes».
Le ski est également très pratiqué. Durant les années 30, l’équipe de l’Université peut compter sur un chalet pour le club de ski, à Saint-Sauveur, et même, à partir de 1944, utiliser un remonte-pente sur la piste aménagée à l’intérieur du campus, entre la Faculté de musique et le stade d’hiver actuels.
Dans la foulée de Mai 68, le concept d’élite, même en ce qui concerne les sports, est remis en question par les étudiants. Les équipes d’élite connaissent une fin abrupte en 1972. Les étudiants, majoritaires à la Commission des Services aux étudiants, proposent que le budget des sports interuniversitaires passe de 85 000 $ à 15 000 $ et que les sommes ainsi libérées soient utilisées pour financer les coûts associés aux activités du «sport de masse».
Les hockeyeurs des Carabins ont connu leur heure de gloire dans les années 50 et 60. Annonceur, chronométreur et marqueur officiel des matchs de hockey des Carabins pendant 20 ans, Léo Boucher n’a manqué aucune partie de l’équipe, qu’elle ait eu lieu à l’Auditorium de Verdun, au centre Paul-Sauvé ou au stade d’hiver de l’Université. Celui qui examinait les réclamations à la Commission des transports de la Communauté urbaine de Montréal, décoré en 1969 d’un Mérite d’or du Service des sports, a vu des matchs endiablés. Dans le «bon vieux temps», plus de 1500 à 2000 étudiants remplissaient les gradins pour encourager leurs porte-couleurs.
Denis Plante
Archiviste, Division des archives
Sources:
• Le Quartier latin, journal des étudiants de l’Université de Montréal, 1920-1970.
• Fonds du Service des sports (D14).
• Fonds du Secrétariat général (D35).
• Claude Alain, Sport universitaire: historique, bilan et orientation de développement, 11 décembre 1998.